LEO REYRE
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 DIALOGUES sous influence

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Leo REYRE
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Leo REYRE


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Date d'inscription : 20/01/2010
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MessageSujet: DIALOGUES sous influence   DIALOGUES sous influence I_icon_minitimeVen 10 Mar - 16:49

La maison de retraite

 

A : Je crois qu’un jour, je tuerai mon meilleur ami.

B : Tu me fais peur ! Tu veux pas qu’on se fâche tout de suite ?

A : C’est vrai, je le tuerai.

B : Tu as dit : « un jour ». C’est vague.

A : Rassure-toi : C’est pas aujourd’hui… C’est dans un certain avenir.

B : Un certain avenir, c’est vague.

A : Rassure-toi : C’est quand je serai vieux, au bout du rouleau…

B : Ça laisse donc une marge. Tu sais que tu m’as fait peur…Je tuerai mon meilleur ami…Ça m’a donné le frisson…A moins que je ne sois pas ton meilleur ami…

A : A moins.

B : Est-ce que je suis ton meilleur ami, oui ou non ? Je veux une réponse réfléchie.

A : D’après toi, avec qui d’autre je bois mon 51 ?

B : Donc, je suis ton meilleur ami. Et pourquoi tu veux me tuer ? Pour boire seul ?

A : C’est à cause de ma femme.

B : C’est elle qui t’a dit de me tuer ?

A : Non. C’est moi. Quand je t’aurai expliqué l’affaire, tu seras de mon avis.

B : Parce que tu crois que je te dirai : « Tue-moi » ? N’y compte pas.

A : Je t’explique : depuis quelque temps, je sais pas pourquoi, la maison de retraite vient dans toutes les conversations à la maison…

B : Mais tu n’es même pas encore à la retraite !

A : Je le sais bien ! Regarde-moi : un corps d’athlète…

B : Ouais…

A : Une santé de fer…

B : Ouais…avec un peu de rouille quand même.

A : Où tu la vois, la rouille ? Une santé d’inox, si tu préfères. Et la tête, tu penses qu’elle a des ratées ?

B : Ah, ça non ! Je me demande souvent si tu n’es pas un génie.

A : Faut pas exagérer non plus.

B : Si. Un génie.

A : Un vrai génie ou quelque chose comme le génie rural ?

B : Un vrai. Je t’écoute et je bois tes paroles…

A : …Surtout si elles sont anisées comme le 51.

B : Quand même, elles ne remplacent pas.

A : Donc, rien en moi ne te fait penser à la maison de retraite ?

B : Rien quand je te vois…mais je ne couche pas avec toi… Ta femme est sans doute mieux placée.

A : Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Que j’ai besoin des pilules bleues ?

B : C’est quand même bien ta femme qui te parle de maison de retraite !

A : Elle se projette toujours dans l’avenir.

B : Là, j’imagine que, pour toi, elle s’est projetée un peu trop loin.

A : Un peu loin, tu dis ! Elle s’est mise en orbite, tu veux dire. Elle tourne, elle tourne et, chaque fois qu’elle me frôle, elle parle de maison de retraite.

B : Remarque : on parle souvent de la mort. C’est pas pour ça qu’on meurt chaque fois.

A : Quand on en parle, c’est de la mort des autres.

B : Après tout, qu’est-ce que tu as contre la maison de retraite ?

A : J’ai que je ne veux pas en entendre parler. Tu t’es déjà imaginé dans une maison de retraite ? …rien qu’avec des vieux ?

B : Bof ! S’il y a tes copains… Tes copines…

A : Mes copains ! Ils pensent comme moi. S’ils y vont un jour, ce sera dans la charrette des condamnés.

B : Tes copines ?

A :Mes copines !... des vieilles qui perdent leurs dentiers dans le potage !... Qui pissent dans leurs couches !... Qui sont sourdes ?...Qui radotent ?... Qui se disputent les rares males survivants et qui tournent autour d’eux avec leurs fauteuils roulants… comme un manège de chevaux de bois?

B : Tu n’as pas toujours dit ça de tes copines.

A : Je sais. Quand elles étaient jeunes et désirables, elles étaient inaccessibles. Tu leur proposais le coup, elles te disaient non. Là, elles seront vieilles et laides, tu comprends…Accessibles mais indésirables.

B : Je connais des gens qui apprécient les maisons de retraite.

A : Qui ? Les enfants qui se sont débarrassés de leurs vieux parents devenus encombrants ?

B : Pas que. Dans les maisons de retraite, on te soigne, on te surveille.

A : Justement, on me surveille comme dans une prison et ça, je ne supporte pas.

B : On s’occupe de ta santé.

A : Tu vois, toi-même tu parles de la Santé. Les maisons de retraites sont des prisons pour les gens honnêtes qui ont un casier judiciaire vierge.

B : Il y a quand même des distractions, la télé…

A : Quelles distractions ? Les petits des écoles qui viennent chanter pour les pauvres singes… et qui leur apportent des cacahuètes… Un loto où tu gagnes un paquet de couches ou une boîte de suppositoires… Et la télé, puisque tu en parles… Tu me vois planté devant un écran tout un après-midi pour regarder un programme imposé ! Moi, à la télé, je zappe… J’adore zapper…Ça fait râler ma femme… et le 51 ! Tu en connais des maisons de retraite où on te sert ton 51 à volonté ?

B : A volonté, non.

A : Tu crois que je pourrais  vivre dans ces conditions ?

B : Bon, je crois que j’ai compris : Tu n’aimes pas les maisons de retraites.

A : Voila. C’est exactement ça.

B : Mais pourquoi tu veux tuer ton meilleur ami ?

A : Pour aller en prison.

B : Pour aller en prison !... Avec des repris de justice… des violeurs…des dealers … des assassins !

A : Parfaitement.

B : Je ne te comprends pas.

A : Moi, je me comprends. Imagine : Je te tue, je vais en prison.

B : Et tu ne viens pas à mon enterrement. Comme ingrat… !

A : Je vois que tu ne me prends pas au sérieux.  Imagine : En prison, on s’occupe de moi. Si je tousse, on me donne du sirop; si j’ai mal aux dents, on fait venir le dentiste; si j’ai les intestins dérangés…

B : …On t’avance le pot de chambre, peut-être ?

A : Parfaitement. Je mange à heures régulières… si je veux aller à la messe, je vais à la messe…

B : Pourquoi tu irais à la messe, tu n’y es jamais allé ?

A : Peut-être qu’en devenant vieux, on pense plus à Dieu… bref, j’ai la télé dans ma cellule, je regarde ce que je veux, je zappe comme je veux… Si je veux une dame de compagnie…

B : Tu rêves.

A : Je rêve parce que ça me fait rêver, la prison. Nourri, logé, blanchi, dorloté pour pas un rond… Tu sais ce que ça coûte une maison de retraite ?...Que quand tu as pas assez pour payer, on te vend ta maison…Que si c’est pas assez, on fait payer les enfants, les petits-enfants…Tu te rends compte : Les petits-enfants.

B : C’est vrai que pour tes petits-enfants, ça serait une drôle de vacherie vu que tu n’as pas d’enfants.

A :… Et puis, il n’y a pas que des vieux en prison. Tu n’aimes pas, toi, le mélange des générations ?... Des hommes, des femmes de tous les âges… L’essence même de la cellule sociale.

B : Tu dis : « de la cellule »…Tu passes tout ton temps en cellule.

A : Peut-être, mais c’est le meilleur endroit pour bien vieillir.

B : Tu sais quand même que les femmes ne sont pas dans les mêmes prisons que les hommes.

A : Merde ! Tu es sûr ?

B : Ah ! Oui ! Ça j’en suis sûr… Et tu sais ce qui arrive quand des hommes sont toujours entre eux, confinés dans des cellules, ensembles à la douche… Tout nus…surtout qu’il y a des jeunes…Il faut bien que le corps exulte… Tu as pensé à ce qui arrive…

A : C’est bon. Sois tranquille : je ne te tuerai pas… Mais si un jour on me met à la maison de retraite, que ma chambre soit au moins au deuxième étage.

B : Pourquoi au deuxième ?

A : Comme ça, quand je sauterai par la fenêtre, j’aurai guère de chance de m’en tirer. Si c’est au premier, je risque de juste me faire une entorse.
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