LEO REYRE
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Leo REYRE
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Leo REYRE


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Date d'inscription : 20/01/2010
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MessageSujet: MES PREFACES   MES PREFACES I_icon_minitimeLun 5 Sep - 17:56




LE CHEMIN DE BARBARAS

Je viens d’arrondir le point final et, déjà, se bousculent en moi deux sentiments opposés.
D’une part, j’ai mauvaise conscience car j’ai l’impression d’avoir mis à la porte des familiers après leur avoir dit :
« Allez voir chez les autres si j’y suis. »
D’autre part, j’éprouve une satisfaction très vive car cette histoire, c’est moi qui l’ai mise au monde.
Mes personnages n’attendaient qu’un signe pour s’enfuir des feuillets jaunis que je parcourais dans la salle des archives. Ils sont venus à moi et je les ai aimés dès le premier jour.
Nous avons fait un bout de chemin ensemble. Peu à peu, les fantômes ont retrouvé un corps et leur cœur s’est remis à battre. Dans leur sillage, d’autres ont été entraînés et se sont joints à nous. Ils m’ont dit leurs noms, ils m’ont fait redécouvrir ma ville, ils m’ont montré les maisons où ils vivaient, les lieux où ils travaillaient.
Quand j’ai voulu en savoir davantage, ils ont regagné les lignes des registres et sont redevenus muets.
J’ai dû chercher pour savoir.
J’ai dû chercher pour deviner.
J’ai dû chercher pour créer.
Privé de leurs commentaires, je leur ai attribué une existence virtuelle.
Que leurs descendants sachent que, si les noms, les métiers exercés et les événements relatés sont absolument authentiques, la vie et les comportements que je leur ai attribués sont issus de ma seule imagination.
Seuls, les hasards de mon récit en ont fait des bons et des méchants.
Je ne suis pas historien.
J’ai utilisé ma ville et la campagne environnante comme décor. J’ai utilisé son histoire comme trame de la mienne.
A la lecture du Chemin de Barbaras, il vous apparaîtra que mes Valréassiens de 1790 n’étaient pas d’ardents républicains.
Pourquoi vous mentir ?
Ils étaient franchement papistes. Ils ont d’abord refusé la République…ce qui ne les a pas empêchés, plus tard, d’être de tous les combats pour la défendre. La Vendée royaliste et rebelle n’a-t-elle pas donné à la France Clémenceau et Delatre de Tassigny ?


LA MARTELIERE

La Révolution n’a pas apporté le bonheur escompté.
Les excès de ses zélateurs ont eu raison de la confiance populaire.
Ce n’est pas le Directoire, aussi inefficace que corrompu, qui a été capable de sortir le pays du chaos.
Le Consulat est arrivé à point nommé. Il a rétabli l’autorité, l’ordre,la justice,autant de vertus qui faisaient cruellement défaut et que le peuple appelait de ses vœux.

Premier Consul, Consul à vie (3 600 000 pour, 9 000 contre), le général Bonaparte incarne le redressement de la France. Sa popularité est telle qu’il est porté sur le trône impérial avec l’approbation de 3 500 000 votants contre 3 000 et 7 000 abstentions. Napoléon, c’est l’espoir et la fierté retrouvés. Mais l’Empire n’est pas à la hauteur du Consulat. Il tombe très vite dans l’engrenage destructeur des guerres. La France connaît son Alexandre, son Hannibal, son César. Elle espérait un Messie. Des guerres hors des frontières, toujours plus lointaines, toujours plus meurtrières. Puis des guerres aux frontières, toujours aussi meurtrières. Puis l’île d’Elbe. Encore un sursaut. Enfin, Sainte-Hélène.
Un siècle pour tous ces chambardements ?
Non. Une vingtaine d’années seulement.

Avec « la Martelière »,
on retrouve Valréas dans les prémices de l’agonie de l’Empire.
La vie a suivi son cours.
Les mentalités n’ont guère évolué.
Les personnages du
« Chemin de Barbaras »
ont pris quelques années.


Le jour fuit à l'ouest. La nuit envahit peu à peu la place désertée.
Seul, dans le clair-obscur où dansent quelques ombres, je regarde vivre, au milieu de l'âtre, un couple de bûches.
Oui, un couple.
Ce ne sont pas deux morceaux de bois mort qui se consument.
Ne croyez pas que ce soit aussi simple.
Elles vivent.
Elles sont là, toutes deux, couchées sur un lit de braise et de cendre : un lit d'amour.
Elles se caressent de leurs doigts de flamme souples, légers, lascifs. Elles se cherchent, s'enlacent, s'étreignent.
Chut!
Avez-vous entendu leurs soupirs?
Un jaillissement d'étincelles. . . Extase.
Savent-elles qu'en se consumant d'amour, elles courent à leur perte?
Non. Leur passion les possède.
Les yeux de chacune sont le miroir de l’autre.
On ne voit pas s'avancer la mort dans les yeux qui aiment.
Elles flambent de concert.
Que le caprice me vienne de les séparer.
Elles vont tendre leurs flammes désespérées l'une vers l'autre jusqu'à ce que, de guerre lasse, elles se laissent mourir de langueur.
Elles refusent de vivre seules.
Pour l'instant, elles vivent avec leurs élans, leurs emportements, leur ardeur, leur tendresse.
Peut-on rester de bois, dans la pénombre, devant un couple de bûches amoureuses?
Et l'homme ? Où est l'homme ?
L'homme ? Mais il est là ! Dans l'âtre lui aussi.
Seul, il se consume avec des flammes courtes, ténues, sans chaleur, quelques rougeoiements furtifs.
La solitude, l'indifférence, l'oubli, avec leur froid mortel, auront vite raison de lui. Il se minéralisera sans avoir su que son corps était parcouru de sève.
Pour vivre, il a besoin de la bûche qui brûlera avec lui, qui lui prodiguera sa chaleur en même temps qu'elle se chauffera à la sienne.
Deux bûches de même essence brûleront en harmonie et l'identité de leurs cendres les unira pour l'éternité.
Qu'une bûche commune vienne à s'éprendre d'une bûche de qualité.
Sa flamme éperdue, passionnée, hâtera sa fin par sa démesure, et la bûche idolâtrée, avec les petites flammes bleues de sa condition, s'éteindra lentement, très lentement, désespérément seule.
Des flammeroles courront peut- être encore quelque temps sur le sol qui aura oublié l'une et l'autre.
Pour obtenir une belle flamme, il n'y a qu'un moyen: les bûches doivent être du même bois.
Mes personnages ont quelque chose qui les apparente à ces bûches.
Il y a ceux qui sont destinés à brûler ensemble et ceux que le caprice du destin rapproche l'espace d'un moment.
. . . Et puis, par leurs fibres, l'homme et la bûche ne portent-ils pas en eux la mémoire de leurs racines?


ROQUEBLANCHE

Ne cherchez pas Raspègue sur la carte. Ce village n'existe que sur un lobe de mon cerveau. En fait, il n'est qu'un prétexte à une histoire humaine.
Imaginez-le tout de même.
On quitte la nationale pour une route sinueuse et étroite qui s'élève rapidement. Sur ses bas-côtés, des chardons bleus, des chicorées bleues, des apphyllantes bleues, des lins bleus. Au-dessus d'elle, le ciel bleu.
Puis le paysage semble éclater jusqu'aux collines qui viennent s'écraser en deux ou trois vagues sur des barres de roches blanches.
Les blés et les luzernières ont cédé devant la vigne et la lavande.
Quelques fermes masquées par des haies de cyprès, des truffières, des sureaux, des canniers, puis des maisons agglomérées autour des vestiges de la foi et de la puissance: une église romane couverte de "bards" et une tour médiévale affublée d'une horloge dont la ponctualité a eu raison des matines, angélus et vêpres qui rythmaient autrefois, quand il y avait encore un curé pour tirer sur les cordes, la vie du village.
Imaginez une place ombragée de platanes avec son café, sa fontaine, son école-mairie, et son monument aux morts. Les commerces de première nécessité se situent de part et d'autre du "cours" qui est l'artère principale de Raspègue. Le "cours" n'est pas une avenue. C'est la moins tortueuse des rues du village. C'est aussi la plus large puisqu'un car pas très long et un camion pas très large peuvent s'y engager avec une bonne chance de s'en sortir.
Plus haut, sur un rocher qui s'isole des barres et domine la vallée de la Jasse, on devine, par quelques pans de murailles et un moignon de tour, qu'il y a eu, jadis un château.
C'est Roqueblanche.
Si l'on reste sur la nationale, on passe à côté de Raspègue sans le voir mais, pendant des kilomètres, les ruines de Roqueblanche semblent vous suivre d'un regard réprobateur comme pour dire:
"Passe ton chemin puisque tu es pressé, mais tu ne sais pas ce que tu manques".
Certains font demi-tour et s'engagent sur la petite route sinueuse et étroite. . . comme vous, cher lecteur.
Le décor est planté.
Silence. . . Moteur. . . Action. . .


MON CHANTE-CIGALE

C'est un coin de campagne à l'écart des cultures. On ne le découvre qu'après avoir franchi le cheval de frise des ronces, des églantiers, des prunelliers et des argelas ( genêts épineux). On dit que rien de bon n'y pousse. Pourtant ce n'est pas le désert.
On y trouve une vie faite de plantes humbles et sobres dans le voisinage desquelles s'affairent quelques insectes furtifs. Souvent y zinzinulent les mésanges bleues et les roitelets.
Surtout ne pas croire que follicules, gousses, siliques, capsules et autres samares ne se sont jamais employés à le coloniser. Ne pas croire qu'aujourd’hui même quelques graines suspendues à leurs parachutes ou à leurs aigrettes ne tentent de s'y poser avec la prétention de s'y implanter.
Potentilles, coronilles, brachypodes, thym, genévriers, cades, clématites, deux pins, trois chênes tors, un alisier : Voilà les co-suzerains, voilà les maîtres, voilà les cerbères qui interdisent leur territoire aux inconnus et qui phagocytent les intrus.
Pour qui connaît, ce coin stérile est une poussière du paradis.
Vivre en ce lieu se mérite.
La vie, il faut savoir la puiser dans les profondeurs du sol, dans les anfractuosités de la roche.
Mais quelle vie !
Il faut savoir se contenter d'une goutte d'eau.
Mais quelle eau!
Il faut savoir se contenter d'une bouffée d'air.
Mais quel air!
Cet endroit, c'est un chante-cigale.
Ce n'est pas sans raison que ce titre s'est imposé à moi.
Toutes les plantes modestes, insignifiantes qui y vivent mènent une vie ascétique et endurent tous les temps. Cependant elles vivent.
Elles vivent comme toutes les anecdotes modestes et insignifiantes dont l'enfance se nourrit. Elles vivent longtemps et fleurissent souvent.
«Mon chante-cigale», c'est cette enfance qui témoigne d'une époque par ses petites plantes vivaces qui fleurissent loin des cultures, au gré d'un rayon de soleil, d'une goutte d'eau, d'un souffle du mistral... et qu'on groupe sous le nom générique de souvenirs.
Comme elles, ils ne supportent ni la chronologie ni la hiérarchie. Ils fendillent la terre, soulèvent une pierre lorsque l'envie leur vient de se montrer... Ce n'est jamais l'endroit ni le moment qu'un esprit rationnel jugerait favorables.
Je respecte scrupuleusement leur liberté.


LE PETIT SAINT-JEAN

Comme toutes les histoires trop longues, celle-ci comporte son lot de fatras et d’incohérences. Songez qu’elle commence en l’an 657 et qu’elle n’est pas terminée de nos jours, 13 siècles et demi plus tard.
Seules quelques dates qui correspondent à certains événements relatés par écrit jalonnent ce long parcours mais elles sont rares car, durant fort longtemps, l’oralité a joui d’un monopole absolu dans la transmission des faits. Lorsqu’il y eut des écrits, ceux-ci furent souvent détruits par les guerres, les pillages ou, plus ordinairement, par l’humidité et la décomposition naturelle de la matière.
D’une date à l’autre, un écart de plusieurs siècles ajoute sa part de
légende et de mystère.
Les dates citées et les événements dont elles donnent témoignage sont authentiques mais ne comptez pas aborder un ouvrage d’historiographe. Le véritable historien identifie les documents, en dresse l’inventaire, en établit la chronologie et les transcrit sans se permettre le moindre écart. Son œuvre est celle d’un greffier, d’un copiste. Moi, je me vois plutôt en chroniqueur ou historien de deuxième ou troisième main car je n’ai eu sous les yeux que des récits d’historiens authentiques… ou de seconde main. Je cite de mémoire :
Louis Anselme Boyer de Sainte Marthe, professeur en théologie et prieur du couvent des FF. Prêcheurs de Saint-Paul-Trois-Châteaux pour son histoire de la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux (1710)
Adolphe Aubenas pour sa notice historique sur la ville et le canton de Valréas (1838)
A.Vincent membre de l’Institut historique de France et chanoine honoraire du diocèse de Valence pour sa notice historique sur Taulignan (1861),
Le colonel Marc Chocquet pour son histoire de Valréas (1951),
François-Xavier Emmanuelli pour son Histoire de la Provence (1980),
Patrick-Ollivier-Elliott pour Une Provence de senteurs (2003),
Georges Chabert, Lucienne Arnavon, Max Pellegrin pour leurs précisions éclairées (2003).
Ici, vous trouverez, au milieu de la vérité historique, la touche d’interprétation, de rêverie et de liberté d’un petit poète car il me plait d’imaginer une époque, fût-elle très ancienne, en faisant table rase de tout ce qui lui est postérieur et en prêtant à ses contemporains le comportement le plus authentique possible.
Je n’ai pas pour autant mis dans la bouche des personnages le langage qui devait être le leur car il y aurait peu de lecteurs pour le comprendre… et je ne suis point médiéviste.
J’ai simplement placé quelques touches moyenâgeuses en donnant aux gens des noms et des emplois de leur temps… Et cela est rigoureusement historique car il s’agit d’un « index to the Given names in the 1292 Census of Paris by Lord Colm Dubh ».
« 1292, ce n’est pas 657 », me direz-vous.
Je le sais bien, mais ces noms ont éveillé en moi un tel plaisir que j’ai eu envie de vous le faire partager.


LA TOILE DU FAUCHEUX

Dans un village, tout le monde se connaît. Les autochtones s'aiment, s'estiment, se soutiennent ou, au contraire, se détestent, se jalousent, se haïssent. Jamais ils ne s'ignorent. S'il y a indifférence, celle-ci est mûrement préméditée, forcément feinte. Elle n'est qu'une façade dont les volets mi-clos permettent de mieux observer, de mieux s'informer, de mieux jouir des autres. Ouvertement, ils clameront que les affaires des autres ne les concernent pas. Pour légitimer leur comportement, ils avancent toujours des justifications péremptoires qui tiennent plus de la mythologie familiale que de la sagesse tant ils s'appuient sur des événements antiques, quasiment bibliques, qu'une oralité volubile, apriorique et monoïdéiste, a considérablement outrés et dénaturés au fil des temps.
Les villages sont peut-être les seules structures sociales à échelle humaine. Cependant ils se vident au profit des villes dans lesquelles, fourmis, atomes indifférenciés, les individus ne cherchent même plus à communiquer.
Pour ces raisons-là et sans doute pour bien d'autres qu'une analyse freudienne pourrait probablement définir, mes romans ont souvent un village pour cadre.
Ah! Sur chaque visage, mettre un nom, un prénom, un sobriquet!
Pour chaque personne, avoir en tête sa lignée, sa parenté, sa généalogie!
Etre au fait des petites histoires pour éviter les fourvoiements ou, au contraire, pour induire délibérément des situations embarrassantes!
Avoir la maîtrise d'un jeu de personnages jusqu'à se couler dans leur intimité!
Quelle jubilation!
Et cette ruralité baignant dans sa langue vernaculaire comme dans l'eau baptismale, cette ruralité, dernier alleu d'authenticité rescapé d'un siècle iconoclaste!
Comment rester insensible à cette dévotion sans artifices des paysans pour leur terroir ?
Oui, des paysans et non des exploitants agricoles car les uns vivent du travail de la terre qu'ils font vivre et les autres l'exploitent c'est-à-dire en profitent abusivement. Quelques arpents bien cultivés valent tous les quartiers de noblesse et cette pudeur voisine de la honte que l'on a à s'avouer paysan ne se conçoit que par un long passé de servage et d'humiliation. J'en connais un seul, pas très loin de chez moi, qui revendique haut et fort son identité. Il a écrit en gros caractères sur sa boîte à lettres " Paysan.» De loin, cet humble casier a la rutilance d'un blason.
Valraison, le village de ce roman, a pourtant une particularité : c'est un village "industriel" ce qui le classe déjà parmi les petites villes. Sa population compte moins de paysans que d'ouvriers car un cartonnage et une usine d'amandes y sont implantés depuis longtemps. Cette originalité ne change pas grand-chose à la mentalité des Valraisonnais car tous les employés de l'industrie sont issus des familles indigènes. Ceux qui sont venus d'ailleurs ne sont pas des étrangers mais des parents.
Ce serait un village sans histoire si je n'avais décidé d'en faire le microcosme où évoluent mes personnages.
Ah! Mes personnages! Ils suffoquaient dans mon esprit depuis un certain temps. Il fallait qu'ils en sortent pour prendre l'air.
Comme dans la plupart des histoires depuis Caïn et Abel, le bon et le méchant en décousent. Sans leurs tensions, aucune vibration.
Le lecteur, mon lecteur, pose son regard où mon imagination, avant lui, a placé des mots. J'entends que ce soit un confident, quelqu'un qui suive à mon rythme le chemin où je le promène. Comment pourrait-il en être autrement ? S'il y a des traquenards, des doutes, des mystères, il ne doit pas en être victime. Ce sont des pièges, des incertitudes, des énigmes destinés uniquement à mes personnages. Il est bon qu'il sache très tôt à qui il a affaire car rien n'est plus frustrant qu'une confiance mal placée ou qu'une aversion non fondée.
Quant au titre, "La toile du Faucheux", je dois avouer qu'il est né au forceps.
Le point final était arrondi depuis longtemps et je n'avais qu'un titre de rangement : "R99".
Le titre, c'est le premier regard que s'adressent le lecteur et l'auteur. Je crois profondément à l'importance de ce premier échange car il est, mieux que la parole, le reflet instantané de l'âme.
Le déclic s'est produit alors que j'observais une tégénaire, araignée des maisons, qui finissait de tisser sa toile dans une encoignure.
"Quelle artiste!" me suis-je dit en constatant la finesse du tissage.
"Quelle idiote!" ai-je pensé devant la vanité de son ouvrage qu'un passage de tête-de-loup ne manquerait pas d’anéantir.
"Quelle insensée! Pourquoi prend-elle autant de peine alors qu'il n'y a aucune proie laissant présager un festin ? Et, en admettant qu'il y en ait une, pourquoi irait-elle se prendre dans un coin aussi mal placé ?"
Puis l'araignée s'est installée discrètement dans un coin de sa toile comme un chasseur "à l'espère". Elle a attendu longtemps, très longtemps sans bouger.
Une mouche est entrée par la fenêtre. Une seule, mais c'était celle qu'elle attendait.
Elle s'est prise inéluctablement dans le panneau tendu.
J'ai trouvé de nombreuses similitudes entre cette scène et l'histoire que j'avais imaginée.
J’ai donc décidé dans un premier temps que le titre serait « La toile de la tégénaire ».
Puis, j’ai trouvé que le terme tégénaire pouvait paraître trop entomologique. Je lui ai préféré le mot faucheux qui évoque mieux la ruralité.
Or, le faucheux est une araignée très particulière puisque, à l’inverse des autres, elle ne possède pas de venin et ne fabrique pas de soie. Adieu ma toile !
C’est pourtant « La toile du Faucheux » qui est le titre de ce roman car la toile tendue par mon faucheux est faite d’une soie virtuelle qu’il suffit d’imaginer. Les « arachnophiles » me pardonneront.


LA PLANETTE DES TRUFFES

Dans leur immense majorité, les gens qui ne renient pas leurs racines ont une façon de s’exprimer typique ou propre à une famille, un lieu-dit, un canton, une contrée.
L’académisme syntaxique ne les empêche pas de dormir.
Leur langage ignore l’orthodoxie ou le conformisme.
Pourtant, ce langage-là leur permet de s’exprimer, d’exposer leurs idées, de traduire leurs pensées et de se faire comprendre.
Leurs paroles ne sont pas figées ni coincées dans un carcan.
Elles vivent libres.

C’est fort de ce constat, que j’ai écrit
« La Planette des truffes ».
Les gens y pratiquent une langue vernaculaire, simple et naturelle proche de la terre qu’ils aiment avec passion .
S’ils écorchent la langue de Molière et de Victor Hugo, ils font honneur à Rabelais , à Villon, à Marot.
L’écorchent-ils vraiment ou jouent-ils avec elle ?

« La Planette des truffes » ?
La Planette !
Non, rassurez-vous, ce n’est pas une coquille ni une faute à interloquer un puriste ou un lauréat du Dico d’Or.
La Planette est un lieu-dit.
C’est, au milieu de terrains accidentés, une surface plane.
Plane, Planette. Tout simplement.
La campagne n’est faite que de lieux-dits dont l’orthographe et le sens doivent plus à l’usage qu’aux lexicographes : la Tirasse, Testourlas, Pan Perdu, Le Manègue, Malbuisson, Bramofam…

Quant à Terralaize , ce n’est déjà plus un lieu-dit. C’est un village que vous pourriez peut-être découvrir dans l’Enclave des Papes ou dans les cantons mitoyens s’il n’était le fruit de mon imagination.
L’Enclave des Papes, ce grain de beauté de la Provence en Dauphiné ! Valréas, Grillon, Richerenches, Visan. Quatre communes vauclusiennes nichées en territoire drômois !
La légende veut qu’un pape avignonnais l’ait acquise parce qu’il aurait goûté son vin et que ce nectar l’aurait guéri de ses maux.
N’aurait-il pas, par la même occasion, dégusté une omelette de truffes ?
Les deux vont très bien ensemble et la truffe a toujours véhiculé l’idée qu’elle possédait de nombreux pouvoirs.

Victorin, Fernand, Janine…
Le Négus, Julienne, Hermine…
Paulette, Cédric…
Le Rablet, Antoine…
Voilà des gens auxquels vous allez devoir vous habituer car ce sont les personnages principaux de ce roman.
Il y aura des moments de joie, de plaisir, de bonheur…
Il y aura des moments de tristesse, de peine…
La vie n’est-elle pas drapée dans ce manteau d’Arlequin ?

Mon rêve, c’est de deviner votre sourire à la lecture de certaines répliques.
Mon rêve, c’est de supposer que vous ne prendrez pas pour du temps perdu celui que vous passerez à lire
« La Planette des truffes » ,
un roman qui ne dévoile pas tous les secrets du diamant noir mais qui vous imprégnera de son parfum.

LES ERRANTS

Cette histoire s’est imposée à moi de manière étrange. J’étais au bord de l’Eygues, à Aubres, en amont de Nyons, non loin de la ferme des Plaines qui est le berceau de mon ascendance maternelle. Mon épouse et ma petite-fille jouaient ensemble dans l’eau parcimonieuse qui courait d’un gour à l’autre. Je me tenais à l’écart à l’ombre d’une branche de peuplier qui avait eu la bonne idée de s’étirer au-dessus de la rivière. Soudain, j’ai vu venir à moi tous les défunts de ma famille qui avaient, à un moment ou à un autre, fréquenté ce lieu : oncles, tantes, cousins, cousines. Ce n’étaient pas des fantômes car ils étaient tels que je les avais connus. Malgré mes efforts pour me débarrasser de ce sortilège, ils continuaient à affluer vers moi. Leur présence souriante m’étreignait la gorge et des larmes douloureuses me brûlaient les yeux. Ma petite-fille s’aperçut de mon désarroi et s’en inquiéta.
« Il est triste parce que grand-mémée est morte depuis peu de temps. Ici, c’était son pays. »
Nous partîmes précipitamment de cet endroit où nous avions projeté de passer l’après-midi. Je n’y suis jamais retourné.
J’avais revu tous mes chers disparus plus réels que s’ils avaient été en vie, en l’espace de quelques minutes.
L’histoire contenue dans ce livre n’est pas une histoire de famille. C’est de la pure fiction. Pourtant, mes « fantômes » y sont pour quelque chose. Sans eux, je ne l’aurais jamais écrite.

Cette histoire qui commence, c’est une bouteille que je jette à la mer.
Le ressac peut la briser sur les récifs dans les minutes qui suivent.
Mais si le courant l’entraîne sur la crête des vagues…
Les sirènes peuvent la guider vers leur royaume sous-marin, les otaries peuvent jongler avec elle, elle peut être prise dans la glace d’une banquise, elle peut s’endormir dans un lagon bleu, elle peut parcourir les océans dans le sillage des baleines, elle peut être prise dans un chalut.
Tout est possible, même ce que mon imagination, dans son état actuel, ne peut encore concevoir. J’ai le sentiment que son parcours me réserve quelques surprises. L’allégresse pour un auteur !
Le hasard l’a mise entre vos mains…Otez son bouchon et retirez le message qu’elle contient.
C’est la preuve qu’elle a surmonté tous les traquenards et les défis placés sur son passage.
C’est la preuve aussi de quelques moments jubilatoires passés par l’auteur à écouter ses propres personnages ou à dialoguer avec eux. Ne croyez pas qu’il leur dicte ses propres paroles. Une fois qu’ils sont installés dans l’histoire, ils ont leur vie et leur langage spécifiques.
Lorsque l’histoire a poussé ses premiers cris, j’avais en tête la trame idéale de sa vie comme un père peut rêver de l’avenir de son enfant.
C’était faire fi de toutes les rencontres improbables qui émailleront son parcours, de tous les carrefours qui lui proposeront des choix, de toutes les bifurcations, de tous les culs-de-sac.

Une histoire, c’est un lieu.
J’ai choisi une petite bourgade rurale que j’ai située en Drôme Provençale parce que cette mini-région renferme de vastes étendues sauvages à deux pas de la civilisation. Quels paysages ! Quel décor ! Je l’ai baptisée Bonadret car je l’ai implantée sur un plateau calcaire légèrement pentu, du côté soleil, à l’abri du mistral. Sa voisine n’est pas aussi bien lotie. Elle est au fond d’une vallée encaissée, au pied de gorges abruptes. L’hiver, elle ne voit pas le soleil. Aussi lui ai-je donné le nom des Ombras.

Une histoire, ce sont des personnages.
Certains sont clairs comme l’eau de roche. Ils auront des prénoms familiers : Martine, Lucienne, Nicolas, Guillaume, Paul, Joseph, Robert…
D’autres sont plus énigmatiques. Leurs prénoms sont plus mystérieux : Tancrède, Emmeline, Lambequin.
Pour les familles, j’ai puisé dans le terroir : Charansol, Hugues, Fournier, Audibert, Bertrand …
Puis il y a Tardon que l’on appelle Monsieur Tardon mais aussi, lorsqu’on parle de lui, Tardon le Riche.
Que dire du Baron de la Foletière ? De Monsieur de la Folatrie ? De Line Flatoire ?

Une histoire, se sont des réminiscences du passé.
Elles viennent sporadiquement étayer le présent : Reymond de Turenne, Dragonet de Montdragon, Raimond de Toulouse.

Une histoire, c’est une intrigue.
Que puis-je en dire sans la dénaturer ? Puis-je vous donner la clef avant la serrure ?
Non, bien évidemment.


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