LEO REYRE
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 LES ERRANTS

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Leo REYRE
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Leo REYRE


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MessageSujet: LES ERRANTS   LES ERRANTS I_icon_minitimeMer 27 Jan - 12:09

LES ERRANTS Ccf20010
Recherche éditeur.
PREFACE
Cette histoire s’est imposée à moi de manière étrange. J’étais au bord de l’Eygues, à Aubres, en amont de Nyons, non loin de la ferme des Plaines qui est le berceau maternel de ma famille . Mon épouse et ma petite-fille jouaient ensemble dans l’eau parcimonieuse qui courait d’un gour à l’autre. Je me tenais à l’écart à l’ombre d’une branche de peuplier qui avait eu la bonne idée de s’étirer au-dessus de la rivière. Soudain, j’ai vu venir à moi tous les défunts familiers qui avaient, à un moment ou à un autre, fréquenté ce lieu : oncles, tantes, cousins, cousines. Ce n’étaient pas des fantômes car ils étaient tels que je les avais connus. Malgré mes efforts pour me débarrasser de ce sortilège, ils continuaient à affluer vers moi. Leur présence souriante m’étreignait la gorge et des larmes douloureuses me brûlaient les yeux. Ma petite-fille s’aperçut de mon désarroi et s’en inquiéta.
« Il est triste parce que grand-mémée est morte depuis peu de temps. Ici, c’était son pays. »
Nous partîmes précipitamment de cet endroit où nous avions projeté de passer l’après-midi. Je n’y suis jamais retourné.
J’avais revu tous mes chers disparus plus réels que s’ils avaient été en vie, en l’espace d’une demi-heure.
L’histoire contenue dans ce livre n’est pas une histoire de famille. C’est de la pure fiction. Pourtant, mes « fantômes » y sont pour quelque chose. Sans eux, je ne l’aurais jamais écrite.

Cette histoire qui commence, c’est une bouteille que je jette à la mer.
Le ressac peut la briser sur les récifs dans les minutes qui suivent.
Mais si le courant l’entraîne sur la crête des vagues…
Les sirènes peuvent la guider vers leur royaume sous-marin, les otaries peuvent jongler avec elle, elle peut être prise dans la glace d’une banquise, elle peut s’endormir dans un lagon bleu, elle peut suivre le sillage des baleines, elle peut être prise dans un chalut.
Tout est possible, même ce que mon imagination, dans son état actuel, ne peut encore concevoir. J’ai le sentiment que son parcours me réserve quelques surprises. L’allégresse pour un auteur !
Vous allez ôter son bouchon et retirer le message qu’elle contient.
C’est la preuve qu’elle a surmonté tous les traquenards et les défis placés sur son passage.
C’est la preuve aussi de quelques moments jubilatoires passés par l’auteur à écouter ses propres personnages ou à dialoguer avec eux. Ne croyez pas que l’auteur leur dicte ses propres paroles. Une fois qu’ils sont installés dans l’histoire, ils ont leur vie et leur langage spécifiques.
Lorsque l’histoire a poussé ses premiers cris, j’avais en tête la trame idéale de sa vie comme un père peut rêver de l’avenir de son enfant.
C’était faire fi de toutes les rencontres improbables qui émailleront son parcours, de tous les carrefours qui lui proposeront des choix, de toutes les bifurcations, de tous les culs-de-sac.

Une histoire, c’est un lieu.
J’ai choisi une petite bourgade rurale que j’ai située en Drôme Provençale parce que cette mini-région renferme de vastes étendues sauvages à deux pas de la civilisation. Quels paysages ! Quel décor ! Je l’ai baptisée Bonadret car je l’ai implantée sur un plateau calcaire légèrement pentu, du côté soleil à l’abri du mistral. Sa voisine n’est pas aussi bien lotie. Elle est au fond d’une vallée encaissée, au pied de gorges abruptes. L’hiver, elle ne voit pas le soleil. Aussi lui ai-je donné le nom des Ombras.

Une histoire, ce sont des personnages.
Certains sont clairs comme l’eau de roche. Ils auront des prénoms familiers : Martine, Lucienne, Nicolas, Guillaume, Paul, Joseph, Robert…
D’autres sont plus énigmatiques. Leurs prénoms sont plus mystérieux : Tancrède, Emmeline, Lambequin.
Pour les familles, j’ai puisé dans le terroir : Charansol, Hugues, Fournier, Audibert, Bertrand …
Puis il y a Tardon que l’on appelle Monsieur Tardon mais aussi, lorsqu’on parle de lui, Tardon le Riche.
Que dire du Baron de la Foletière ? De Monsieur de la Folatrie ? De Line Flatoire ?

Une histoire, se sont des réminiscences du passé.
Elles viennent sporadiquement étayer le présent : Reymond de Turenne, Dragonet de Montdragon, Raimond de Toulouse.

Une histoire, c’est une intrigue.
Que puis-je en dire sans la dénaturer ? Puis-je vous donner la clef avant la serrure ?
Non, bien évidemment.

NB. Un lexique des termes médiévaux utilisés figure à la fin du livre


AINSI COMMENCE LE ROMAN

La secrétaire excédée pénétra dans le bureau du maire en brandissant une lettre.
« Monsieur le Maire, c’est la troisième. Toujours le même charabia. Elle a été postée à Montfévier comme les autres.
-Il y a bien des établissements psychiatriques à Montfévier. Ne cherchons pas plus loin. Que réclame-t-il cette fois ?
-Ça n’a pas changé d’un iota : le château de Bonadret.
-Vous voyez bien, Martine, qu’il s’agit d’un déséquilibré. Inutile de vous mettre martel en tête. Il se lassera avant nous.
-Des lettres de fous, j’en ai déjà vu passer quelques-unes. Celles-ci sont différentes. Il emploie des mots étranges. Tenez, lisez vous-même. »
Elle plaça la lettre sous le regard du maire. Elle était écrite à la plume d'oie sur un papier fibreux dont l’épair irrégulier laissait supposer une facture artisanale. La calligraphie rappelait les manuscrits anciens qui figuraient en bonne place au musée historique de la commune.
Le maire parcourut la lettre en se grattant le front.
« Effectivement, c’est différent. Les premières étaient-elles dans le même style ?
-Absolument. »
Il la relut à haute voix pour partager avec sa collaboratrice une compréhension qui s’avérait hypothétique.
« Par ce présent courlieu, je porte à vostre cognoissance mon porposements de rebastir chastel et chastellerie lesquels me furent baillés par le gent baron Dragonet. Ils furent arsés par l’herpaille du fel Reymond après moult et vains attentemens malgré le couraige et le hardement de mes gens lesquels précipités vifs dans le puis du chastel y trépassèrent.
Mes yeux l’ont vu dans un dans un tel délabremens que l’honor de mon nom et le remembrement du munificent baron me commandent de le respérir de ses ruines.
A défault de responsion de vostre part, moi, Tancrède, seignor de Bonadret verrai en ceste défaillance vostre assentement et conséquemment commencerai le bastissement. »
Il fixa un long moment son regard perplexe sur le regard quêteux de sa secrétaire.
« C’est un désaxé, mais pas un idiot. Pour écrire de la sorte, il faut en avoir dans la tête. Globalement, vous comprenez comme moi qu’il veut reconstruire le château de Bonadret.
- Globalement. Mais ce langage ?
- Ça ressemble au français du Moyen Age. Ce fou est un médiéviste expérimenté.
- Mais c’est un fou. Le château, ce tas de pierrailles…
- Il reste une partie du donjon. Quand j’étais enfant, nous y jouions à Robin des Bois. C’était tellement dangereux que le maire d’alors avait demandé à Tardon d’en condamner les accès.
-Tardon le Riche ?
-Son père. C’était aussi Tardon le Riche. C’est un sobriquet qui se transmet dans la famille depuis la Révolution. A cette époque, comme ils avaient une fortune personnelle, ils ont racheté bon nombre de terrains et de propriétés lorsqu’on a mis en vente les biens des émigrés. Le château en faisait partie. La tradition orale colporte qu’à cette époque-là il était encore en bon état mais qu’un incendie l’a détruit peu de temps après. Qui sait ? Une jalousie de voisinage… une vengeance. La fortune des Tardon avait, paraît-il, une origine mystérieuse donc sujette à toutes les supputations.
-Si Tardon est le propriétaire, ce Tancrède…
-Un illuminé qui ne manque pas d’imagination. Vous rendez-vous compte du chantier ? Ces ruines sont dans un tel état que les Monuments historiques ne s’y sont jamais intéressés. La commune elle-même a décliné l’offre de Tardon qui désirait s’en débarrasser. Le président du Conseil Général m’a avisé qu’il avait eu la même offre mais qu’il n’avait pas l’intention d’y mettre le moindre centime. Récemment, Tardon m’a dit qu’il allait les mettre aux enchères.
Venez avec moi au cadastre. Avec un plan sous les yeux, c’est plus parlant. »
Tous deux passèrent dans la pièce contiguë. Un rempart de dossiers divers soigneusement rangés sur des étagères métalliques en faisait quasiment le pourtour. Sur le cartonnier du fond, Brigitte Bardot et Catherine Deneuve, Mariannes déchues, avaient des têtes de courtisanes répudiées. Sur une grande table centrale, le plan de masse trônait comme un paroissien attendant l’office.
Le maire le feuilleta et le re-feuilleta sans trouver la page qu’il désirait
« Martine, je vous laisse faire Vous avez plus l’habitude que moi. »
A l’aide d’un index qui était à côté, elle eut tôt fait de repérer les parcelles de Tardon. En quelques secondes, elle fut sur le site. Cependant, son sourire satisfait s’estompa aussi vite qu’il était apparu.
« Monsieur le Maire, la page du château a été arrachée. Voyez vous-même. On passe de la 347 à la 351.
- Mais c’est absolument interdit, s’indigna le maire. Qui a accès à cette pièce ?
-Personne et tout le monde. On passe obligatoirement par votre bureau ou par le mien. Personnellement, lorsque quelqu’un consulte le cadastre, soit je laisse la porte ouverte, soit je le guide dans ses recherches.
- Et jamais personne ne passe par le mien. C’est inouï tout de même !
- Le cadastre a été numérisé, Monsieur le Maire. Il sera facile de récupérer cette page.
- C’est heureux. Mais ce genre d’incivilité me met les nerfs en boule. On ne respecte plus rien. »
Tous deux retournèrent devant l’ordinateur du secrétariat. Martine pianota un instant. La page apparut. Le maire la voulut imprimée car il se sentait plus à l’aise devant une feuille de papier que devant un écran. Le document en main, il revint s’asseoir à son bureau.
« Regardez, Martine, les contours du château sont très visibles mais, tout autour, ce ne sont que des bois et des rochers. Ça ne présente vraiment aucun intérêt.
-Sans vouloir vous vexer, Monsieur le Maire, c’est encore plus visible sur le plan de la commune. »
Le maire leva les yeux et éclata de rire.
« Dire que je l’ai toujours devant les yeux et que je n’y ai même pas pensé. »
Les bras ouverts comme pour l’embrasser, il se précipita vers le plan qui occupait le mur opposé. Il pointa le doigt sur le château.
« Vous voyez, Martine, c’est classé en bois et landes. »
Mais Martine s’intéressait à autre chose.
« Ne remarquez-vous rien, Monsieur le Maire ? Tous ces lieux-dits autour du château.
-Ma foi, c’est comme partout. Ce sont des noms qui ont voulu dire quelque chose à une époque mais qui ne disent plus rien aujourd’hui.
- Regardez. Partez de la Brande et tournez dans le sens des aiguilles de montre : l’Osche, la Naque, l’Alborne, la Dérube, la Roncinaille, l’Eritance, la Terragerie. Le tour est complet.
-Et alors ? Que suis-je censé remarquer ?
-Les initiales. Elles font…
-Bonadret. C’est stupéfiant. Je connais ce pays depuis toujours et je n’ai jamais fait le rapprochement.»
Il regarda Martine d’un œil amusé.
« Ma chère Martine, tout le village le sait. C’est même une tradition pour les jeunes de faire le parcours avec leurs petites amies et d’effeuiller ces lieux-dits comme une marguerite. La Brande-un peu. On se satisfait d’un sourire. La brande, c’est la bruyère. A l’Osche-beaucoup. On passe le bras sur l’épaule. L’osche, c’est une terre cultivée. Puis on atteint la Naque-passionnément. On tente un baiser dans le cou. La naque, c’était un drap d’or, un champ de blé. Ensuite, c’est l’Alborne-à la folie. On n’y tient plus : la main glisse dans le corsage. Alborne, c’est blond, encore des céréales. Hélas, voici la Dérube-pas du tout. La dérube, c’est un escarpement. C’est l’endroit de la source. Comme elle, la belle se dérobe. Tout est à refaire. A la Roncinaille-un peu. Ce ne sont pas des ronces comme on pourrait le croire mais des chevaux. Ce sont des pâturages.
-Laissez-moi continuer. L’Eritance me fait penser à héritage. C’est une parcelle reçue en héritage. Là, c’est beaucoup. On passe peut-être le bras autour de la taille. A la Terragerie-passionnément. Enfin un baiser sur la bouche !
-C’est à peu près cela. Une terragerie, c’était une terre soumise au terrage, un impôt.
-Et après ?
-Après, soit on a de la chance soit on n’en a pas. Si on en a, on monte jusqu’au château. Si on n’en a pas, on rentre à la maison.
-Etes vous souvent monté au château ?
- Quelquefois. Jamais autant que je l’aurais voulu. En tout cas, je viens d’y remonter grâce à vous et la promenade m’a rajeuni de bien des années.
-Vous n’êtes pas aussi vieux que vous le dites.
-Assez pour être veuf.
-J’aimerais bien faire cette promenade. M’accompagneriez-vous ? Avec un guide tel que vous… »
Le maire ne savait plus si c’était du lard ou du cochon. Cette jeune femme venue des Ombras, le village d’en bas, qui devait avoir l’âge de son fils et qui travaillait à ses côtés depuis déjà trois ans ne venait-elle pas de le draguer, lui, le maire, un quinquagénaire grisonnant? Il fit mine de ne pas saisir le sens caché de ces paroles mais il constata pour la première fois que sa secrétaire ne manquait pas de charme. Le chignon dénoué, les lunettes dans leur étui, le tailleur à la penderie, deux boutons du corsage défaits… Il entrevit la métamorphose et ne put réprimer un mâle soupir.
« -Alors, ce Tancrède, qu’en fait-on ?
-Vous devriez en parler au Conseil, fit Martine brusquement revenue sur terre.
-J’en parlerai. Ce n’est pas de la plus haute importance, mais j’en parlerai… surtout pour voir la colère de Tardon. »
Le maire n’avait pas l’intention de prendre cette affaire au sérieux. C’était tellement insensé. Un délire mégalomaniaque ? Peut-être pas finalement. Un canular estudiantin ? Fort possible. Le fils de Tardon, son rival politique, n’était-il pas étudiant en histoire ? Mais alors, en quoi cette affaire pouvait-elle lui nuire ? Il n’en voyait pas les tenants ni les aboutissants.
Le château n’était qu’une ruine perdue dans les bois comme la plupart de ces forteresses présomptueuses plus victimes du temps que des incursions de Reymond de Turenne. Du haut de son éminence, il avait dû, jadis, impressionner les gens du premier village établi en contre-bas, pratiquement à ses pieds. Perdu sur ce plateau calcaire sillonné de failles, jalonné de chicots de falaises gélives et de pierriers, il n’avait pas dû connaître grand nombre d’envieux. Seul un pan de tour, vestige du donjon, pointait son moignon désolé au-dessus des chênes rouvres.
Une ruine, rien de plus, qui n’intéressait personne. On ne s’en approchait jamais sinon pour venir au pied de l’escarpement d’où jaillissait, hiver comme été, une eau abondante connue pour soigner les rhumatismes et surtout les os grâce à sa teneur élevée en fluor. Elle était classée parmi les sources de type vauclusien puisqu’il avait été prouvé par des géologues et des hydrographes qu’elle était la résurgence d’une rivière souterraine née qui sait où et parcourant qui sait comment les profondeurs du plateau.
« Les strates du crétacé inférieur, c’est-à-dire les calcaires fissurés de surface, et celles de l’urgonien, reposant sur des marnes néocomiennes peu perméables, peuvent expliquer la présence d’un immense lac souterrain alimenté par des rivières souterraines, elles-mêmes alimentées les eaux de pluie, la fonte des neiges et les infiltrations des divers cours d’eaux de la région, peut-être même de la Durance. » C’était clair, net, précis donc irréfutable dans les rapports de ces experts.
Comme celle de Fontaine-de-Vaucluse, elle drainait de nombreux visiteurs qui faisaient le bonheur du commerce local. Elle était surtout à l’origine d’une activité fort lucrative pour Bonadret : le thermalisme. Mais, touristes et curistes ignoraient l’existence des ruines puisqu’on ne les voyait pas, que des panneaux « propriété privée » interdisaient le moindre passage et que les guides touristiques les snobaient superbement.
Le maire penchait pour le canular quand le fax éjecta une feuille insolite. Elle était écrite en vieux français ce qui était de l’hébreu pour la secrétaire. La seule évidence qu’elle constata était un graphisme différent des autres lettres.
Martine la tendit au maire qui relisait les lettres précédentes.
« Tenez, Monsieur le Maire. C’est la suite du roman. »
Le maire essaya vainement de la déchiffrer.
« C’est sans doute le titre de propriété dont il parle dans la seconde. Malheureusement, c’est indéchiffrable. C’est du ressort d’un spécialiste.
-C’est du français ou du latin ?
-Un peu des deux me semble-t-il.
-Dans ce cas, il faut voir Lucienne. »
Lucienne, retraitée de l’enseignement, s’était convertie à la religion généalogique sur le tard mais elle la pratiquait avec une telle dévotion que, la cherchant, il était préférable de se rendre à son oratoire des archives plutôt qu’à son domicile. Elle qui avait enseigné les lettres bâtons pouvait lire avec une facilité déconcertante les manuscrits les plus anciens dont l’écriture aux courbes ésotériques laissait pantois le commun des mortels.
« Martine, allez voir à l’annexe. Sa voiture est sur le parking. »
La secrétaire dévala l’escalier, traversa la place, gravit le colimaçon étroit qui montait aux étages du bâtiment affecté aux services extra-municipaux et entra sans frapper dans la petite pièce mansardée qui renfermait la mémoire de la commune. Lucienne était là en effet, perdue dans un registre du XVIIIe siècle. Sentant le courant d’air, elle leva ses yeux surpris et interrogateurs.
« Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as l’air démontée.
-Sais-tu qu’il faut t’aimer pour venir te voir dans ton pigeonnier ? fit Martine qui haletait comme une bête coursée. Il faut que tu viennes tout de suite. Le maire a besoin de tes lumières. »
Lucienne abandonna à regret son registre et suivit Martine jusqu’au bureau du maire. Celui-ci lui expliqua en quelques mots ce qu’il attendait d’elle. Il se borna à l’essentiel car il ne tenait pas à éveiller la curiosité de l’imaginative archiviste. Celle-ci n’eut aucune difficulté à lire le document.
« C’est de l’écriture caroline. Ce graphisme date du moine Alcuin. C’était sous Charlemagne ou à peu près. C’est incomplet. Il devrait y avoir une suite. »
Martine retourna à son bureau. Effectivement le fax avait accouché de deux nouveaux feuillets. Lucienne en prit connaissance et fut catégorique.
« C’est un mélange de latin et d’occitan. Il s’agit d’un titre de propriété.
-C’est vieux ?
-C’est du 28 octobre 1232 ou 1282. Je ne sais pas si c’est un 3 ou un 8. Regardez, c’est écrit ici, fit-elle en pointant du doigt un enchevêtrement de signes cabalistiques.
-Je veux bien mais ça pourrait être aussi un 9. Et les noms ?
-Dragonet de Mont-Dragon, seigneur de Montauban fait don de son fief de Bonadret au chevalier Tancrède de la Foletière pour avoir eu, grâce à lui, la vie sauve lors d’une chacerie sur les monts et qu’ils tombèrent son chaceor et lui dans un aven du-dit fief.
Ça doit être 1232 puisque Dragonet est mort en 1236.
-Tancrède ? Comme celui des lettres, fit le maire, plus étonné par ce prénom que par l’érudition de la pétulante archiviste.
Le fief, c’est tout le pays, n’est-ce pas.
-Les limites ont pu varier au cours des âges mais il est plus que probable qu’il s’agit de toute la commune. C’est un fief de dignité puisqu’il est attaché à un titre de noblesse.
-Alors, tout Bonadret appartiendrait à ce Tancrède ? On croit rêver.
-Aurait appartenu ou a appartenu, Monsieur le maire.
- Que dois-je faire ?
-Rien, monsieur le Maire ? Ce document est, certes, très intéressant. C’est même le plus ancien que j’aie eu à examiner dans notre commune. Cependant, s’il a une valeur historique certaine, il n’a aucun impact sur le droit actuel. Rendez-vous compte. Tout pourrait être contesté. Depuis 1232, les propriétés ont changé combien de fois de propriétaires ? Il en est passé de l’eau sous les ponts.
-Je le sais bien, mais c’est troublant.
-Qui vous l’a envoyé ?
-Il est probable que ce soit ce Tancrède de la Foletière. »
Lucienne regarda le maire d’un air amusé, mais celui-ci paraissait très sérieux.
« -Le dernier seigneur connu s’appelait Tancrède, mais il n’a plus mal aux dents depuis longtemps.
-Pourtant, j’ai déjà reçu trois lettres, toutes signées de ce Tancrède qui se dit Baron de Bonadret.
-Des lettres ?
-De bien étranges lettres écrites en vieux français. Tenez, vous pouvez les lire. »
Lucienne, qui commençait à penser à un canular, chercha instinctivement à détecter autour d’elle la présence d’une caméra cachée. Toutefois, comme elle était d’un naturel joueur, elle poursuivit son rôle d’experte es-archives, quitte à faire rire d’éventuels spectateurs. Elle examina donc les lettres avec un surcroît d’attention.
« C’est peut-être un farfelu, mais c’est certainement un excellent faussaire, conclut-elle. Les signatures sont absolument identiques à celle qui figure au bas du fax avec celle de Dragonet.
-Un faussaire. Vous avez raison. C’est sûrement un faussaire. Mais alors, je ne comprends pas ce qu’il recherche.
-C’est un spécialiste du parler médiéval. On sent un effort pour s’exprimer en français contemporain mais les tournures démontrent qu’il est plus à l’aise avec celles de l’ancien temps. Tenez, je vous traduis la dernière : « Par ce courrier, je porte à votre connaissance mon projet de rebâtir le château et son ensemble qui me furent légués par le noble baron Dragonet ; »
-Jusque là, j’avais à peu près compris.
-« Il fut incendié par les coquins du cruel Reymond après plusieurs et vaines tentatives malgré le courage et la bravoure de mes gens lesquels, précipités vivants dans le puits du château, y trépassèrent. »
-Il n’y a jamais eu de puits au château. Vous rendez-vous compte ? C’est de la roche. Il aurait fallu la percer avec des explosifs ou des engins de forage.
-Ils avaient besoin d’eau tout de même.
-Il devait y avoir une citerne pour l’eau de pluie afin d’avoir une réserve en cas de siège. En dehors de ce genre d’événement, certainement très rare dans ce coin, ils devaient descendre à la source.
-Comment expliquer la présence des douves ?
-Peut-être ont-elles toujours été vides. Un obstacle supplémentaire tout simplement. Ou alors, ils montaient l’eau avec un système de béliers.
-Bref, il est bel et bien question d’un puits. Je continue …
-C’est bon. Le reste, je l’ai compris. Vous voyez bien qu’il s’agit d’un illuminé. Reconstruire un château qui date des croisades…Et, qui plus est, un château qui appartient à Tardon.
-A Tardon depuis la Révolution, Monsieur le Maire, seulement depuis la Révolution. Avant, il y a toujours eu des barons de Bonadret. Ce qui est remarquable, c’est qu’ils se sont toujours prénommés Tancrède, du premier au dernier.
-D’où détenez-vous cette information ?
-De nombreux écrits l’attestent.
-Comment se fait-il que je n’en aie jamais été informé ?
-Ah ! Monsieur le Maire ! Si vous veniez plus souvent aux archives !
-Lucienne, le passé d’une ville c’est bien beau pour les touristes, mais pour un maire, ce qui compte, c’est le présent et le futur. Et vous, Martine, étiez-vous au courant ?
-Je sais seulement qu’il y avait des barons comme il y avait des rois de France. Les rois, j’en connais quelques-uns par leur prénom, mais les barons, ça ne m’a jamais intéressé d’être intime avec eux.
-Lucienne, serait-il possible d’avoir une traduction claire de ce document.
-C’est possible mais il me faudra sans doute l’aide d’un latiniste. J’ai compris le sens général mais il y a des mots qui m’échappent.
-Je vous fais confiance. Seulement, j’aimerais l’avoir assez rapidement. J’ai un congrès à Aix-en-Provence en fin de semaine.
- J’essaierai. Ce n’est pas la traduction des Manas kirghizes, Monsieur le Maire. »
Trop heureuse de surprendre le maire par son érudition, elle n’avoua pas qu’elle la devait à un jeu télévisé diffusé la veille et elle ajouta :
« 500 000 vers, ce n’est pas le Loup et l’Agneau. »
Lucienne s’en retourna à ses archives avec, en main, un travail qui allait la tenir éveillée toute la nuit.
Lorsqu’elle revint à la mairie le lendemain à la mi-journée, elle avait l’air satisfait et rompu de quelqu’un qui vient d’accomplir un exploit. Elle n’avait pas achevé le décryptage du document mais elle avait découvert, en cherchant des renseignements sur la commune de Bonadret, un manuscrit très intéressant. C’était une étude historique effectuée par un certain abbé Tronquet à la fin du XIXe siècle. Ce manuscrit, perdu dans le fatras laissé par le prédécesseur de Lucienne, avait échappé à la sagacité des historiens amateurs qui s’étaient déjà penchés sur le passé de Bonadret. Au vu de son état de conservation, il était évident qu’il n’avait intéressé que son auteur. En tout cas, la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat semblait avoir définitivement confiné cet ouvrage d’esprit à son strict état matériel.
Il était pourtant passionnant, ce manuscrit-là.
Outre l’existence de quelques silex du paléolithique, de quelques tessons de sigillée gallo-romaine et d’une fibule en bronze, de la peccadille en somme, l’abbé faisait état de l’existence presque certaine de thermes car on avait mis à jour des éléments de mur et de conduites d’eau lors de la construction de la chapelle Saint-Vincent, en amont du village, sur l’ancien parcours de la rivière Eyguillon alimentée par la source du château. Etaient-ce réellement des vestiges gallo-romains où les fondations de l’église du Bonadret médiéval qui se situait alors juste en contre-bas du château ?
Puis Bonadret semblait s’être volatilisé jusqu’aux alentours de l’an 1000. Rien. Pas une pièce, pas un fragment, pas un témoignage. Le néant. L’oralité omnipotente en milieu rural, source de légendes, mère des fées, des sorciers, des magiciens, des masques, des garous, des revenants, des dracs, des goules, des trèves, des oulurgues, des hélequins avaient sans doute provoqué ce grand vide et généré, comme partout, des superstitions indéracinables. L’an 1000 et ses miracles ! Voilà qu’on parle d’un castrum et qu’apparaissent plusieurs noms de familles importantes, noms qu’on retrouve ça et là, des siècles plus tard, dans l’environnement régional : Pons-Rémuzat, Montaulieu, Mévouillon, Ripert, Delaye…
On parle d’un castrum, pas de deux ou de trois. Jamais le nom de Tancrède n’apparaît… jusqu’en 1232 où le fief passe dans la famille de la Foletière pour y demeurer jusqu’en 1793, date à laquelle il est acquis par Tardon. Dans les documents postérieurs à 1232, on évoque parfois le château de la Foletière sans préciser s’il s’agit du castrum ou d’une construction nouvelle.
Lucienne avait l’esprit tout à sa découverte lorsqu’elle fut hélée par Joseph Hugues qui, appuyé sur le cadre de son vélo, roulait une cigarette.
« Qu’est-ce que c’était cette procession ? Ils ont fait le tour de la chapelle toute la nuit. Ils étaient au moins deux cents en habits de traîne-misère avec un dépendeur d’andouilles derrière eux qui faisait le moulin à vent avec ses bras. Je vous le dis : ils préparent quelque chose. Les Renseignements Généraux ne sont pas au courant. Je viens d’avoir le grand timonier au téléphone. Demain, je vais au Conseil Constitutionnel pour m’informer. Ça va être la Bérézina pour qui vous savez et lui, votre cher maire, son écharpe tricolore, il l’aura bientôt autour du cou. »
Joseph était connu pour son parler haut et fort. Le destin en avait fait le témoin privilégié de tous les évènements importants et le confident de tous les Grands de la Terre. Il s’adressait à ces derniers par leur prénom et offrait souvent des fleurs à leurs épouses. Quoi qu’il advienne, où que ce soit, il y avait toujours Joseph sur son vélo, Joseph avec ses petites moustaches hitlériennes, ses yeux pétillants de curiosité et son béret vissé en biais sur le crâne, Joseph avec sa sacoche rouge en bandoulière et sa cocarde tricolore placardée sur son veston. Il était au World Trade Center lors des attentats du 11 novembre, à Phuket pour le tsunami, à Tel-Aviv pour l’assassinat d’Yitzak Rabin. Mieux encore, il avait tout prédit mais personne ne l’avait écouté. Il était dans l’hélicoptère pour la mort de Balavoine, avec Monsieur Elf pour l’affaire du même nom et dans le dernier taxi pour Tobrouk avec Aznavour. L’ubiquité universelle personnifiée. Dieu, que l’on dit présent partout, avait trouvé son pair en Joseph.
Toutefois, à l’inverse du Créateur, Joseph n’inspirait aucune foi. On ne le croyait qu’à posteriori, ce qui occasionnait ses fréquents coups de gueule et cultivait sa défiance générale envers tous ses concitoyens.
Lucienne était parmi les rares personnes à avoir sa reconnaissance parce qu’elle prenait le temps de l’écouter relevant au passage, parmi les énormités et les outrances, quelques vérités bien senties.
« -Joseph, vous ne pouvez pas dormir comme tout le monde ?
-Vous non plus, vous n’avez pas trop dormi. J’ai vu la lumière chez vous une bonne partie de la nuit.
-J’avais du travail, mon pauvre.
-Si vous vous étiez mise à votre fenêtre, vous les auriez vus tout comme moi. Plus de deux cents.
-C’étaient peut-être des Chinois. Vous m’avez dit, l’autre jour, qu’ils allaient bientôt nous manger crus.
-Ne riez pas de ça, Madame Lucienne. Ils ont commencé à nous appâter il y a longtemps avec leurs feux d’artifice, leurs pâtes et leurs lampions. Personne ne s’est jamais demandé pourquoi ils aiment tant les dragons. Maintenant, ils absorbent nos industries. Mais ce n’étaient pas des Chinois, cette nuit. Ils marchaient les uns derrière les autres. Il y avait des femmes, des enfants, des jeunes, des vieux. Quand j’ai pédalé pour aller voir de plus près, ils ont disparu. Mon phare a dû les effrayer.
-Si je ne vous savais pas sobre comme un chameau, je vous dirais que vous avez forcé sur la bouteille. Je pense plutôt que vous avez dormi à la belle étoile et que vous avez rêvé.
-Et çà, c’est du rêve peut-être. »
Il sortit de sa sacoche un médaillon de la grosseur d’une ancienne pièce de cinq francs et le tendit à Lucienne.
« Je l’ai trouvé juste à l’endroit où ils sont passés. Qu’est-ce que c’est d’après vous ?
-C’est du bronze. »
Lucienne vit immédiatement que la médaille, parfaitement polie, était très ancienne. Un profil de jeune femme souligné d’un prénom occupait l’avers et une fleur, sans doute une églantine ornait le revers. Elle chaussa ses lunettes et, au soleil, crut lire un prénom : Emmeline.
« Emmeline, fit Lucienne en examinant encore une fois le profil. Une bien belle dame. Qu’allez-vous en faire ? La porter à la police municipale ?
-Ne parlons pas de malheur. Tous des voleurs à la solde du grand capital.
-Acceptez-vous de me la confier ? Je la fais expertiser et je vous la rends aussitôt après. Disons dans huit jours à moins que la touriste qui l’a perdue ne la réclame auparavant.
-Vous en connaissez, vous, des touristes qui s’appellent Emmeline ?
-C’est peu fréquent mais ce n’est pas… »
Elle s’arrêta de parler car elle venait de déchiffrer la date qui accompagnait le prénom : 1232. Les coïncidences existent. Elles obéissent aux savants calculs du hasard et échappent de ce fait à tout contrôle humain. Cette médaille en était la preuve flagrante. L’an 1232 perdu dans les oubliettes de l’histoire venait de ressurgir par deux fois sous les yeux d’une même personne après plus de sept siècles d’errance.
« Vous m’excusez, Joseph, j’ai un travail urgent à terminer. Vous me la confiez, n'est-ce pas !
-C’est-à-dire…Euh ! Il me faudrait un récépissé.
-Allons, Joseph, la confiance.
- « Tu quoque, fili ! » Jules César aussi avait confiance en Brutus. C’était au Sénat pour les ides de mars. Un beau jour de printemps. Ce traître de Brutus, il lui plante un poignard dans le cœur. D’en parler, j’en frémis encore.
-Parce que vous y étiez, là aussi ?
-Pas moi. Un lointain aïeul. »
Joseph éclata de son gros rire sonore et tendit la paume de sa main à Lucienne.
« Je ne suis pas une descendante de Brutus mais je vous la rends, fit Lucienne déçue en déposant la médaille dans la main calleuse de Joseph.
-Vous êtes peut-être instruite mais vous ne comprenez rien. Je vous tends la main pour faire la pache. La médaille, vous pourriez la garder vu qu’elle n’est pas à moi mais vous m’avez dit que vous me la rendrez, alors on fait la pache. Tope là ! »
Ils topèrent et leur engagement de maquignons résonna sur la place vide.
Lucienne se rendit directement au bureau du maire. La porte étant entrouverte, elle y glissa sa tête et constata qu’il était vide. Par contre, elle l’entendit parler dans la pièce annexe. Alors, elle attendit poliment dans la salle réservée à cet effet. Elle se manifesta lorsqu’elle entendit le plancher craquer.
Le maire était radieux.
« Quatre ans que je n’ai pas vu mon fils et il vient passer trois mois ici ! Trois mois, Lucienne, c’est merveilleux.
-Moi, je ne pourrais pas passer quatre ans sans nouvelles, fit Lucienne.
-Des nouvelles, j’en ai. Il m’envoie des mails toutes les semaines et des photos de temps en temps. Pour ça, il ne m’oublie pas. Moi, je bénirai toujours ceux qui ont inventé internet.
-Il est toujours en Nouvelle Calédonie ?
-A Lifou. C’est une des îles Loyauté, juste à côté, à l’est, entre Ouvéa et Maré. Il doit y avoir à peu près dix-sept mille habitants. Le paradis.
-Il est professeur d’histoire et géographie, n’est-ce pas ?
-Oui. En fait, là-bas, il n’enseigne plus que la géographie. L’histoire de France, c’est celle d’un autre monde. Il fait un peu de biologie pour compenser.
-Je comprends. Nos ancêtres les Gaulois, les Carolingiens ou les Capétiens, ça n’intéresse pas beaucoup les Kanaks.
-Alors, Lucienne, notre titre de propriété ? Avez-vous pu en tirer quelque chose ?
-Je n’ai pas fini. Pour l’instant, je n’y ai rien trouvé de plus que ce que nous avions vu hier. Mais, j’ai ceci qui pourrait certainement vous intéresser. »
Elle lui tendit le manuscrit de l’abbé.
« Qu’est-ce que c’est ?
-Je l’ai trouvé par hasard. C’est l’histoire de Bonadret écrite par l’abbé Tronquet.
-Celui de la Place de l’abbé Tronquet ?
-La Place de l’abbé Tronquet? S’étonna Lucienne qui connaissait sa ville sur le bout des doigts.
-La place devant le presbytère.
-C’est la place Jean Jaurès.
-Seulement depuis le Front Populaire, ma chère Lucienne. C’est la municipalité de cette époque qui avait préféré le tribun de Castres à l’abbé Tronquet qui n’avait laissé aucun souvenir dans les mémoires locales. C’était aussi un sacré pied de nez des radicaux aux réactionnaires.
Plus tard, elle s’est appelée « Place du Maréchal Pétain » mais ça n’a pas duré. Jean Jaurès a repris la place de haute lutte. Pourtant, il s’est trouvé en concurrence avec Dwight Eisenhower en 1945. Mon grand-père qui était maire à cette époque m’a toujours dit qu’on avait remis Jaurès parce que Dwight Eisenhower était trop difficile à lire pour la plupart des gens de Bonadret.
Vous ne savez pas cela, ma chère Lucienne ?
-Je m’intéresse plutôt aux gens et à l’histoire très ancienne. Donc, cet abbé Tronquet que vous avez l’air de bien connaître…
-Je ne le connais que de nom. S’il me fallait dire pourquoi il a eu droit à une place, je serais bien gêné.
-Donc, cet abbé que vous ne connaissez que de nom et qui était sans doute un historien de talent a écrit une histoire de Bonadret. Je devrais dire l’histoire, vu que je n’en connais aucune autre. Je l’ai parcourue avec un grand intérêt. Saviez-vous qu’il y avait un château de la Foletière à Bonadret.
-Bien sûr. C’est le château. Vous me décevez beaucoup. Pour une historienne…
-Tous les documents que j’ai eus en main ne parlent que du castrum ou du château de Bonadret. J’aimerais bien savoir quelles étaient les sources de l’abbé Tronquet. Elles ne sont ni dans les archives de la commune ni dans les archives départementales.
-Le clergé possède des archives insoupçonnées.
-Saviez-vous qu’il y a eu des barons Tancrède de la Foletière ?
- Bien sûr. Vous me l’avez appris hier.
-Tancrède, c’est le prénom qui figure sur le titre de propriété et sur les lettres.
-Il y a eu des lignées de Charles, d’Henri ou de Louis parmi les rois de France. Il peut très bien y avoir eu des Tancrède dans la famille Foletière. C’est une coutume ancestrale. L’aîné porte le nom du père et hérite du domaine. C’est très simple à comprendre.
-Je l’admets. Cependant, ça n’explique pas l’identité des signatures.
-Des fils à papa qui font comme papa.
-Pour moi, c’est mystérieux.
-En tout cas, s’il s’agit d’un canular, il est très bien monté.



Dernière édition par Leo REYRE le Sam 30 Jan - 16:42, édité 4 fois
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