LEO REYRE
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 LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 9)

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Leo REYRE
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Leo REYRE


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LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 9) Empty
MessageSujet: LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 9)   LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 9) I_icon_minitimeLun 12 Avr - 12:29

LE JOUR OU GUILLAUME VOULUT REVOIR THERESE

Le 4 pluviôse dans la nuit, Guillaume enfourcha un cheval et quitta les bois.
Précurseur d’orage, le vent du sud-est soufflait en tempête arrachant aux arbres les têteaux domptés par le mistral. La nuit n’était que froissements, crissements, craquements, sifflements.
Personne ne l’entendit partir.
Il se dirigea vers la ville interdite avec la ferme intention d’y pénétrer.
Pendant des mois, il avait été le témoin de bien des méfaits. Il n’avait pas pu éviter les exactions commises mais il avait réussi à sauver quelques vies. Sa présence avait joué un rôle modérateur dans les folles entreprises de Donzet.
L’image de Thérèse ne l’avait pas quitté.
Cette nuit-là, une force irrésistible le poussait vers elle.
Il laissa son cheval dans une chapelle éventrée et se dirigea vers les remparts érodés par le vent et les pluies. Le lierre et les touffes de pariétaires lui permirent d’escalader la vieille muraille sans trop de difficultés.
Il devait être trois heures du matin.
Il courut sur le chemin de ronde jusqu’à la porte Berteude. Il se glissa dans l’escalier qui descendait à la salle des gardes. Un ronflement régulier : le vigile surveillait ses rêves. Sur le bas flanc, l’homme était allongé à côté d’une gourde de vin. La flamme vacillante d’une lampe à huile posée dans une niche s’escrimait à fournir un simulacre de clarté. Il reconnut le vieil Ambroise Raymond, fidèle au poste et à sa gourde de vin gratuite depuis 89.
Il traversa le réduit sans bruit.
Dehors, il y avait un autre homme qui portait un fusil à l’épaule. Il était adossé au mur, immobile.
Guillaume trouva une tabatière en cuivre martelé à côté de Raymond. Il la jeta dans la rue. Au tintement qu’elle fit sur les pavés, le garde prit son fusil en main et fit quelques pas. Guillaume en profita pour se couler dans la rue des Cordeliers qu’aucun fanal n’éclairait.
Il traversa la ville sans être inquiété.
A l’instant où il s’engageait dans la rue de Thérèse, il vit à l’autre bout la flamme d’une torche : la patrouille montait vers lui. Il rebroussa chemin et se fondit dans l’obscurité d’une impasse. Adossé à un portail derrière lequel grommelaient des cochons, il attendit le passage des soldats.
La patrouille marqua un arrêt à l’entrée de l’impasse. Un homme portant une torche s’avança. Il s’arrêta à quelques pas de Guillaume.
« Ce n’est rien. Seulement des cochons. »
Il rejoignit l’escouade.
Guillaume put descendre la rue.
La maison de Thérèse Thibaud ressemblait à toutes les autres : une masure basse aux murs lépreux côté rue ; une courette ou un jardinet côté opposé. La chambre donnait sur le jardin. Par endroits, entre deux maisons, une traboule permettait l’écoulement des eaux pluviales.
Il se faufila dans la première venue et parvint ainsi à la clôture d’un premier jardin. Il s’apprêtait à l’enjamber lorsqu’il entendit un crépitement caractéristique : une troupe de cavaliers faisait mouvement. Le bruit de cavalerie allait s’amplifiant. Une escouade d’une cinquantaine de soldats passa dans la rue et s’arrêta sur la place voisine.
Au milieu des maisons, le vent piégé soufflait avec moins de violence. Guillaume perçut distinctement l’ordre de l’officier.
« Toutes au peigne fin. Je dis : toutes. »
L’instant d’après, on cognait aux portes en sommant qu’on les ouvre au nom de la République. Des volets grinçaient, des gens mal réveillés pestaient.
Guillaume sauta deux palissades et un mur. Il se trouva dans le jardin de Thérèse. Un brouhaha et des claquements de portes lui parvinrent de la maison. Il n’eut que le temps d’accrocher à la corde d’étendage, le mouchoir brodé d’un O barré d’une ligne ondulée qu’elle lui avait offert. Il passa à nouveau le mur et se trouva sous un obier dans le jardin voisin à l’instant où la porte de Thérèse s’ouvrait. Deux soldats sortirent et inspectèrent tous les recoins. Dans la maison, à la clarté d’une bougie, il entrevit celle qu’il aimait.
Il passa les palissades, se glissa dans la traboule mais ne put sortir dans la rue car un garde était en faction devant chaque porte. A ce moment-là, Clarisse Germain qu’on surnommait la Ratopenado (chauve-souris) parce qu’elle ne fermait pas l’œil de la nuit, sortit de chez elle en chemise. Elle gesticulait et hurlait comme une folle parce qu’elle avait vu des hommes dans sa chambre.
Les factionnaires se précipitèrent pour la calmer. Guillaume en profita pour s’esquiver. A l’angle de la rue, il se trouva nez à nez avec un autre soldat. Il le bouscula et courut en direction des remparts tandis qu’il entendait le soldat rameuter ses compagnons. La rue des remparts était, elle aussi, occupée par la troupe. Il était impossible de la traverser. Il se replia dans une venelle. Une sentinelle en bloquait l’autre extrémité.
Guillaume se trouvait dans un accul. Il s’adossa à une porte basse pour reprendre son souffle.
Des soldats, sans doute à sa poursuite, passèrent en courant dans la rue. Quelques minutes plus tard, ils revinrent sur leur pas. Il y eut une grande effervescence puis plusieurs s’engagèrent dans la ruelle où ils entreprirent d’inspecter toutes les issues.
Guillaume comprit qu’il allait être pris.
C’est au moment où il s’apprêtait à se rendre que la porte céda dans son dos. Une poigne solide le tira en arrière et il se trouva dans l’obscurité d’une cave.
« Qui es-tu ? demanda l’homme.
-Archimbaud.
-Guillaume ? Dieu merci, tu n’es pas mort.
-S’ils me prennent, je le serai bientôt.
-Ça, c’est vrai. Il y en a quelques-uns qui veulent ta peau. Mais, laisse-moi faire. Je vais les occuper. Ça m’étonnerait qu’ils te prennent. Reste ici. S’ils viennent, tu descends dans le puits, là, à côté des tonneaux. Tu verras : ça fait un creux, comme une niche. Personne ne peut te voir. »
L’homme courut dans la pièce voisine. Il en revint avec un tison. Il saisit au passage une poignée de paille, ouvrit la porte et se précipita dans la rue sans se préoccuper des soldats.
Il s’accroupissait pour enflammer la paille contre la porte de Chastan le vermicellier quand on lui mit la main dessus.
Il se débattit comme un forcené. Il cria toutes les imprécations qui lui passaient par la tête. Il fit tant et si bien que les soldats ne s’occupèrent plus que de lui.
Guillaume passa toute la journée dans cette maison qui ne lui était pas inconnue.
C’était la demeure d’un célibataire : un désordre indescriptible y régnait.
Il tint les volets clos et laissa tomber le feu. L’agitation dura toute la matinée. Devant toutes les portes on protestait contre cette intervention brutale de l’armée. Des chevaux passaient de temps en temps. Le silence se faisait. Les conversations suspendues reprenaient après leur passage.
Vers les dix heures…
« Tu vas quand même au lavoir ? Tu crois qu’ils vont te laisser passer ?
-Il faut bien, Jeanne. Ce n’est pas Sorri qui m’en empêchera. »
Cette voix !
Guillaume entrouvrit le volet qui donnait sur la rue et vit Thérèse qui s’éloignait vers les remparts.
Il se situa aussitôt. Il se trouvait chez Joseph Dupré, un homme de confiance de François, un ami. Des courroies et des harnais encombraient les murs, la table, le sol. Du travail en retard.
Il restait un fond de soupe froide dans la marmite. Il la fit tiédir sur la braise et en remplit une écuelle. Au milieu des feuilles de chou et des fèves, il y avait un morceau de lard rance.
« C’est tout Joseph, pensa-t-il. Il fait durer le lard. »
La troupe ayant momentanément abandonné la surveillance du quartier, Guillaume put partir à la nuit tombée. Ambroise Raymond ne dérogeait pas à son habitude : il dormait après ses libations. L’autre garde attendait la relève en arpentant en long et en large l’esplanade de la porte Berteude. A la chapelle éventrée il retrouva son cheval. Un inconnu lui avait apporté du sainfoin.
Il aurait pu partir, quitter la région. Il revint dans les bois.
Brutalement, au moment où il mettait pied à terre pour franchir un passage escarpé, il fut plaqué au sol et sentit une lame froide sur sa gorge. L’homme ignora ses explications et le conduisit au trou de Barjaçou. On lui lia les mains dans le dos et il attendit le retour du jour dans cette situation inconfortable.
A l’aube, Jean-Baptiste Donzet arriva. Il réveilla Guillaume d’un coup de pied dans les côtes.
« Nul ne me quitte vivant. Si tu nous as dénoncé à l’armée, tu es un homme mort. Au premier soldat qui pénètre dans le bois, je te tranche la gorge.
-Si j’avais trahi, serais-je revenu ?
-Tes traces sont aussi sûres que le fil d’Ariane. Il leur fallait un guide : ils l’ont trouvé. »
Fort de la certitude de n’avoir pas trahi Donzet, Guillaume se tut. Sa seule crainte était que la fatalité conduise une patrouille jusqu’aux bois. C’était peu probable puisque Sorri s’occupait prioritairement de la cité.
La pluie torrentielle qui s’abattit et qui dura toute la journée éteignit toutes ses craintes.
Le lendemain, lorsque Donzet revint, il ordonna de libérer Guillaume de ses liens.
« Tu es plus en danger dans les rues de Valréas que dans ces bois. Tu parais l’ignorer. Ta témérité a bien failli de coûter ta liberté. Si nul n’avait ajouté de la gnole dans le vin des gardes, si nul ne s’était occupé de ton cheval, où serais-tu à présent ? Tu serais dans la charrette pour Orange.
Je ne te parle pas de Clarisse qui a fait la prude pour détourner l’attention. »
La présence de Guillaume en ville avait échappé à la vigilance des gardes, mais des yeux l’avaient épié, des gens avaient veillé sur lui. Donzet avaient des informateurs efficaces et discrets.
Clarisse elle-même, qui passait son temps à parler au bon Dieu, prêtait main-forte au diable.
« L’amour est père des folies, ajouta Donzet. Serais-tu encore puceau ? »
Lorsque Thérèse revint du lavoir, elle étendit son linge sous le calabert (auvent) car le ciel était toujours menaçant.
Ce n’est que le soir, lorsqu’elle revint le chercher, qu’elle remarqua le mouchoir noué à la corde d’étendage dans le jardin. Elle pensa l’avoir oublié la veille et le mit avec son linge.
Le temps humide avait ralenti le séchage. Elle étala les chemises et les ceintures de flanelle sur le dossier des chaises pendant que les fers chauffaient puis elle commença à repasser le linge fin.
Au moment où elle appliquait le fer sur le mouchoir, elle le reconnut.
Elle reposa le fer sur le trépied, prit le carré de toile dans ses mains tremblantes et l’avança sous la lampe. Aucun doute. Il s’agissait bien du mouchoir de Guillaume. Elle le porta à ses lèvres et, les yeux clos, le huma intensément.
Antoine l’aurait-il trouvé parmi les bûches ? Non. Il ne l’aurait pas noué sur le fil.
François ? Non. Il le lui aurait donné.
Alors, la seule réponse logique, mais combien insensée, s’imposa à elle : Guillaume !
Il était vivant. Elle sécha ses yeux avec le précieux mouchoir puis de remit à son ouvrage. Ce soir-là, elle repassa sans trop penser à ce qu’elle faisait.
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