LEO REYRE
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 LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 11)

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Leo REYRE
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Leo REYRE


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LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 11) Empty
MessageSujet: LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 11)   LE CHEMIN DE BARBARAS (suite 11) I_icon_minitimeLun 12 Avr - 12:36


LE JOUR OU L’ON DECIDA D’ EN FINIR AVEC LES BRIGANDS

« Il faut absolument faire quelque chose, avait déclaré le maire au retour de la bergerie.
Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur des actes d’une telle barbarie. Nous devons agir très vite »
Il avait de bonnes raisons de tenir un tel langage. Le jour même, il avait reçu un courrier assez explicite. On était loin des propos aigres-doux des responsables du district et des termes menaçants des autorités militaires. Le cas de Valréas était remonté jusqu’au ministre de la Police Générale de la République.
C’est le ministre en personne qui répondait à un rapport transmis par le Commissaire du Pouvoir exécutif près l’administration municipale du Canton de Valréas.
Le maire réunit son conseil pour donner lecture du document.
« Vous me dites, citoyen, par votre lettre du 21, que votre canton n’est composé, en grande partie, que d’hommes frappés par la loi du 19 fructidor, qui, par de sourdes intrigues, soulèvent le peuple contre ses magistrats en contre les lois, qu’on y a vu des rassemblements de brigands voler à main armée les caisses des percepteurs, notamment dans les communes de Visan, de Grillon et de Richerenches, qu’en plein jour même, ils arrêtèrent les voyageurs sur les chemins et que la garnison et la gendarmerie, malgré leurs recherches, ne peuvent découvris cette bande de scélérats, quoique ceux qui la composent soient connus. »
« -Ça, c’est quand même un peu fort ! Forcément, ils sont connus : ce sont toujours les mêmes. Il y a un boiteux, un balafré, un qui a un gant de cuir, sûrement le chef… a part ça, on ne sait rien de plus.
Il a l’air de dire que nous avons des relations avec eux. S’il ne le dit pas, il le laisse comprendre.
-Ecoutez la suite :… Vous ajoutez qu’elle trouve asile dans les communes de Grillon et de Visan où elles ont pris naissance.
-Qui a pu dire une chose pareille ? Ce commissaire du pouvoir a dû faire un vrai conte pour plaire au ministre.
-Quand les ministres lisent entre les lignes, l’objectivité a du souci à se faire.
-Je poursuis :… Vous m’annoncez enfin que vous avez instruit exactement votre collègue près l’administration centrale de tous ces détails mais que le mal reste toujours sans remède.
-Il le sait, le ministre, que nous sommes en état de siège ? Les soldats empêchent les honnêtes citoyens de dormir mais ils passent la journée dans les cabarets. De cette façon, ils peuvent attraper des mouches mais certainement pas des brigands.
-Ecoutez donc ! C’est maintenant que ça va mal aller pour nous :
…Je ne puis voir, sans une vive peine, citoyen, ce tableau affligeant de la situation de votre canton. J’en suis d’autant plus affecté que je ne puis me dissimuler qu’elle est due, en grande partie à l’insouciance, à la faiblesse et même à la connivence de ses habitants à l’égard des brigands dont vous me parlez. Je regrette que vous ne me les ayez pas désignés plus particulièrement surtout si, comme vous le dites, ils sont connus.
-Ben voyons, nous sommes les complices de ces barbares qui tuent des bergers !
-… Je présume que vous n’aurez pas manqué de les nommer aux autorités, ce pour les faire mettre promptement sous la main de la justice. J’écris au surplus à ce sujet à votre collègue près l’administration centrale et je le charge de prendre les mesures nécessaires pour parvenir à la répression des désordres dont vous vous plaignez et au rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique dans votre arrondissement.
J’en apprendrai avec plaisir les heureux résultats. Faites-moi connaître au surplus les brigands et ne me laissez pas ignorer aucun des détails qui les concernent afin que je puisse prendre à leur égard les mesures que les circonstances exigeront.
Salut et Fraternité.
-C’est encore quelqu’un qui règle les choses le cul sur un fauteuil derrière son bureau. Comme il paraît qu’on les connaît, on les attrape. Quand on les a attrapés, on les lui donne et monsieur le ministre n’a plus qu’à les pousser sous la guillotine. C’est facile depuis un ministère. Qu’il vienne se rendre compte par lui-même combien c’est facile !
-Quoi qu’il en soit, vous comprenez comme moi qu’il est urgent d’en finir. Nous avons déjà un bataillon sur le dos. Au train où vont les choses, c’est bientôt l’armée d’Italie qui va occuper le terrain.
- Laisse-là derrière les Alpes.
-C’est manière de dire. Si on nous envoie des renforts militaires, nous n’aurons peut-être plus de brigands mais nous aurons le désert et la désolation. L’armée ne lésine pas sur les moyens et se soucie peu des dégâts qu’elle provoque.
Les brigands sont dans les bois, on brûle les bois. Ainsi les brigands ne sont plus dans les bois mais il n’y a plus de bois pendant un siècle… sans compter que, tout autour, il y a des cultures, des vergers, des vignes, des troupeaux qui en pâtissent. Ils ne savent pas à quel point le bois est important pour les gens d’ici.
Nous aussi, c’est une idée que nous avons eue. Que dire d’un remède s’il est pire que le mal ?
-Puisque nous sommes tous là, dit François, le mieux serait de prendre la carte et d’étudier un plan. Jusqu’à présent, reconnaissons-le, nous avons beaucoup parlé mais peu agi. »
Il déplia la carte. Sa fonction de cerquemaneur l’ayant conduit sur la plupart des terrains, c’était lui qui la connaissait le mieux.
On commença par y pointer tous les lieux où des attaques avaient été perpétrées dans les trois dernières années.
A mesure que l’on prenait conscience de leur nombre et de leur fréquence, force était de constater qu’elles étaient dispersées comme si un stratège conscient que la moindre concentration risquait d’être fatale, les avait planifiées.
« Si l’on s’en tient aux plus récentes, constata François, on se rend compte qu’elles se situent dans la portion de territoire comprise entre le chemin de Vinsobres et celui de Visan soit un quart du territoire. C’est vaste.
-Baptiste, c’est de l’autre côté, fit remarquer Hyacinthe.
-Puzin et Mathieu aussi puisqu’ils revenaient de Dieulefit, ajouta Bonnet.
-Il y a eu aussi le vol des caisses de raisin à Bariol.
-Pour ce vol, moi, je m’intéresserais plutôt aux voisins. Les raisins, ça n’intéresse guère les coupe-bourses.
- Dans tous les cas, le vol paraît être le seul but des brigands.
-Sauf pour ce malheureux Baptiste.
-Et pour Françon.
-On ne vole pas plus pauvre que soi. Par contre, Françon avait de l’avoir : il aurait dû donner ce qu’on lui demandait plutôt que de s’entêter.
-Je pose une question. Pour quelle raison massacre-t-on un pâtre? Pas pour sa cassette : elle ne contient que du soleil et du vent.
On le tue pour l’empêcher de parler.
-Mais on lui grille les pieds pour lui faire dire quelque chose.
-Oui, effectivement. En général, c’est pour obtenir la cachette du magot. Besson n’a jamais dû l’apailler d’or, ce pauvre malheureux.
-Mais alors, que voulait-on lui faire dire ?
-Mystère. Je pense qu’on lui a grillé les pieds pour une raison et qu’on l’a tué pour une autre.
A part Baptiste et Françon, il y a rarement eu des morts.
-Sauf lors de l’attaque du convoi à Chabrette.
-On vole toujours pour la même raison mais on tue pour des raisons différentes. Baptiste, on ne sait pas. Françon, c’est parce qu’il refusait de continuer à approvisionner les brigands. Les morts de Chabrette, c’est une embuscade.
Peut-être s’agit-il d’auteurs différents pour chacune de ces attaques.
-Allons donc ! S’offusqua Bonnet. Ce sont des chouans ! Guillaume et Charansol, nul ne les a jamais revus. Je vous parie ma chemise qu’ils sont dans la bande et qu’ils sont dans tous les coups.
-Ne t’avise pas de parier aussi ton caleçon car tu risquerais de faire rougir les jeunes filles, fit François.
Sur quoi te bases-tu pour affirmer qu’ils font partie des chouans ?
-On ne les a pas trouvés ?
-Voila une belle preuve. On ne les a pas trouvés parce qu’on ne les a pas trop cherchés. Et même, si on les a un peu cherchés, nous avons laissé ce soin à des gendarmes inexpérimentés et sans connaissance du terrain. Si vous voyez des corbeaux sur un tas de pierres, enlevez les pierres et vous trouverez peut-être deux cadavres.
-Expliquez-moi pourquoi on prendrait des risques pour libérer des prisonniers et qu’on les tuerait juste après ? Les corbeaux, si vous en voyez sur un tas de pierre, je vous donne ma veste.
-Tu vas finir par attraper le mal de la mort à force de te déshabiller. »
François était bien obligé d’admettre que Bonnet pouvait avoir raison mais il n’en fit rien paraître.
Le O barré du billet de Visan le troublait. En faisant tomber la bande, on pouvait prendre Guillaume. Il se refusait viscéralement à considérer son protégé comme un brigand.
Il poursuivit son étude de la carte.
-Je fais une hypothèse et j’admets qu’elle peut être réfutée : ce n’est qu’une hypothèse. Baptiste mis à part, vous ne constatez aucune attaque, aucun vol, aucun crime entre le chemin de Vinsobres et celui de Taulignan.
Vous connaissez le renard. Il ne prend jamais les volailles à proximité de sa tanière. Il va les chercher loin, parfois à plusieurs lieues afin de ne pas conduire les chasseurs à ses petits.
Les brigands ont le même instinct que les renards. On ne les a jamais trouvés parce qu’on n’a pas cherché au bon endroit. Il faut les chercher où il ne se passe jamais rien : là. »
Il dessina un cercle qui enfermait une vaste zone boisée.
-Ça fait un sacré morceau…et pas du facile…des bois, des bois et encore des bois.
-Tu ne penses pas les trouver sur la place du Mazel quand même ! Je sais que cette zone est sauvage. Tous ceux qui s’y sont risqués ont pris peur. Il y a des charbonniers mais il n’y a peut-être pas que des charbonniers.
-On pourrait les questionner ?
- Les gendarmes l’ont fait. Ils n’ont jamais rien pu en tirer. Ils baragouinent dans des patois qui n’appartiennent qu’à eux et ils ne voient jamais personne.
-Celui qui fera parler un charbonnier n’est pas encore né.
-Dans un premier temps, il conviendrait de convaincre la garnison et les gendarmes du bien fondé de cette hypothèse. Ce n’est pas gagné car ils ne se fient qu’à ce qui vient de leur hiérarchie.
Dans un deuxième temps, il faudra recruter des volontaires et obtenir des autorités qu’on les arme. Difficile quand nous sommes en état de siège.
Enfin, si les deux premiers points sont résolus, il faudra organiser une expédition conjointe dans un secteur bien défini.
Avec une battue pareille, il serait bien extraordinaire qu’on ne débusque pas le gibier.
-Des volontaires, on en trouve si on les paye et encore ils ne sont pas si volontaires qu’on veut bien le dire.
-Tout le monde aimait bien Baptiste. S’il s’agit de le venger, il y aura des candidats. »
L’hypothèse de François, faute d’alternative, entraîna l’agrément de la majorité des notables.
Chacun, après cette réunion devenue conseil de guerre, retourna à son logis.
François passa chez Thérèse pour s’enquérir de la santé d’Antoine.
« Il a reparlé ce matin. Quand je suis arrivée, j’ai vu qu’il dormait. Je ne l’ai pas réveillé. »
Thérèse servit une écuelle de potage à François.
« Voila qui reconstitue. Thérèse, que pensez-vous de Guillaume ? »
Surprise par cette question, Thérèse s’empourpra et ne sut que répondre.
« Croyez-vous qu’il soit mort ? »
Ses yeux s’embuèrent; sa voix tremblota.
« Pourquoi me demandez-vous cela ?
-Parce qu’il m’arrive d’avoir des doutes. Certains pensent qu’il aurait pu être complice des brigands qui ont attaqué le convoi.
- Pas moi. Je sais qu’il est innocent.
-Si vous dites « est innocent » et non « était innocent », c’est que vous pensez qu’il est vivant.
-Pas vous ? Oui, j’espère de tout mon cœur qu’il est vivant. Je sais, au fond de mon cœur, qu’il est bon et honnête. Vous n’avez pas le droit de douter de lui. Vous le connaissez depuis plus longtemps que moi.
-Tu as raison, dit François qui se surprit à la tutoyer. Il faut faire la sourde oreille à tous ces racontars.
-Pourquoi me parlez-vous de Guillaume ?
-Comme ça…Pour rien… Je pensais à lui.
-Moi aussi, je pense souvent à lui, murmura Thérèse en s’essuyant les yeux avec le mouchoir brodé.
-Moi, je le tuerai parce qu’il a tué Baptiste. C’est un brigand. » Antoine n’avait rien manqué de la conversation.
Thérèse et François levèrent leur regard vers lui.
-C’est horrible, ce que tu dis.
- Il a tué Baptiste ; »
Antoine courut à sa paillasse et sanglota longuement.
-C’est insensé, soupira Thérèse.
-Avec le temps, il devrait recouvrer un comportement plus normal.
-Mais pourquoi dit-il cela ?
-Le sait-il lui-même ? Son épreuve n’est pas finie. Elle risque de durer toute sa vie, hélas. Il n’oubliera jamais.
-Pourquoi dit-il que Guillaume a tué Baptiste ? Pourquoi ?
-Laissez le temps faire son œuvre. Ne lui demandez rien. »
Dès lors, Thérèse se contenta d’observer son fils en cachette, d’écouter ses soliloques lorsqu’il parlait à sa pie et d’attendre qu’il voulût bien en dire plus.
Lorsqu’elle vit le bâton de Baptiste pendu à la poutre, elle ne demanda pas par quel mystère il était arrivé là.
Elle fut patiente comme une mère.
Antoine passait des heures sans sortir. Le regard dans le vide, il ne voyait rien. Il semblait vivre dans une bulle.
Il mûrissait secrètement un plan pour venger son ami.
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