LEO REYRE
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 LES BOURGEOIS DECALES (suite 3)

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Leo REYRE
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Leo REYRE


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LES BOURGEOIS DECALES (suite 3) Empty
MessageSujet: LES BOURGEOIS DECALES (suite 3)   LES BOURGEOIS DECALES (suite 3) I_icon_minitimeVen 26 Mar - 13:32

Scène 2
( Germaine, Charles, Armande, Jean-Baptiste)

(Le baiser se prolonge. Charles apparaît à la porte. Le couloir est éclairé. Il n’est pas seul. Il tient la femme de Jean-Baptiste , tendrement par la taille mais Jean-Baptiste est trop occupé pour les voir .Armande a eu le temps de reconnaître Germaine. Lorsque Charles éclaire, Jean-Baptiste et Armande, toujours enlacés, plongent derrière le canapé.)
CHARLES
Vous voyez bien chérie que la demeure est vide !
GERMAINE
Mais je sens son parfum.
CHARLES
Ne soyez pas stupide.
Puisqu’il y avait un mot, là, sur le guéridon :
« Je reviendrai demain. »
GERMAINE
C’est un billet bidon.
Elle l’a laissé là exprès, pour nous surprendre.
En fait de jalousie, on ne peut rien m’apprendre.
CHARLES
Un piège ? Elle est naïve et n’a aucun soupçon.
GERMAINE
J’ai peur !
CHARLES
La peur n’est-elle pas une juste rançon ?
Il tremble aussi de peur le chasseur qui braconne
Et le fruit défendu…
GERMAINE
Mon Dieu que je suis conne !
Je l’ai accompagnée en gare ce matin.
Elle m’a embrassée et m’a dit : A demain.
CHARLES
Vous l’avez vue partir et craignez sa présence !
GERMAINE
Je n’ai pas vu le train car j’étais en avance.
Elle m’a dit : « Merci. Seule, je peux attendre.
Si tu vois mon mari, fais tout pour le détendre. »
Et tu vois, mon biquet, que je lui obéis.
Pourtant, plus fort que tout, le doute m’envahit.
Quand j’y pense à nouveau, j’en ai la certitude,
Elle était détendue bien plus que d’habitude.
CHARLES
C’est vrai qu’elle est tendue mais surtout avec moi.
Lui tirer un sourire appartient aux exploits.
GERMAINE
Quand parfois, toutes deux, nous parlons de cuisine,
Elle rit seulement quand je parle régime.
Elle était ce matin un peu trop détendue.
Je suis persuadée que son piège est tendu.
N’as-tu rien remarqué sortant de l’ordinaire ?
Un surplus d’attentions pour te mieux satisfaire ?
CHARLES
Non, toute de froideur. Hier, comme en général,
Elle a dit sur le soir : « La tête me fait mal. »
C’est une belle femme, il faut le reconnaître,
Je la frôle parfois… souvent à plus d’un mètre.
Il paraît que plus près elle craint l’allergie
Et ne voit en mes mains que des feuilles d’ortie.
Elle ne souffre pas qu’un être humain la touche
Et pour toute allusion gaillarde prend la mouche.
GERMAINE
Cela est en accord avec ce que je crains.
Elle était trop riante et n’aura pris le train.
Elle aura préparé en secret une trappe
Pour nous y capturer.
CHARLES
Et moi, ce qui me frappe,
C’est que tu la prétends fourbe, calculatrice,
Quand elle à la candeur qu’ont les jeunes novices.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que datent nos rencontres.
A-t-elle fait un jour allusions qui démontrent
Qu’un doute à ce propos dans sa tête a germé ?
Non. Elle ne sait rien et ne saura jamais.
Tout cela parce qu’elle est insensible et frigide,
Que son éducation fut austère et rigide.
Elle ne m’a jamais dit plus d’une fois : « je t’aime »
…Peut-être par erreur… C’était, sûr, pour la crème
Qu’elle avait dans sa coupe au moment du dessert.
Sa libido ? Le vide… Un immense désert.
Sait-elle seulement qu’un être peut vibrer
Tel les cordes tendues que caresse un archet ?
(Charles et Germaine s’étreignent passionnément et roulent sur le canapé. Germaine soupire vulgairement de plaisir)
JEAN-BAPTISTE (en off)
Toi c’est sûr, mon salaud, un archet dans tes mains
Ne tire d’un violon que de stridents crincrins.
ARMANDE (en off)
Le goujat ! L’impudent ! Ô le fruste sagouin !
JEAN-BAPTISTE (en off)
Chut ! Il peut nous entendre.
ARMANDE (en off)
Il est immonde, infâme !
JEAN-BAPTISTE (en off)
Je me demande bien qui peut être la femme.
J’ai seulement compris qu’elle vous connaissait
Et que c’était pour vous une amie empressée.
Dites-moi, mon amour, la connais-je moi-même ?
ARMANDE (en off)
Laissez-moi à la rage. A chacun ses problèmes.
Et surtout tenez-moi bien serrée dans vos bras
Car, si je m’en échappe, il y aura des dégâts.
JEAN-BAPTISTE
Rassurez-vous, ma mie, je ne lâche point prise.
Quelle est cette diva qu’un ténor aurait prise ?
GERMAINE
Ô mon divin amant ! Mon maître ! Mon étalon !
JEAN-BAPTISTE (en off) (il pouffe de rire)
Et pourquoi pas, grand Dieu : Ô mon mètre étalon !
CHARLES
Viens donc, ma tendre chatte, et profitons du temps
Qui s’offre à nos ardeurs.
GERMAINE
Comment ?
CHARLES
En nous aimant.
JEAN-BAPTISTE (en off)
Charles, tu m’estomaques.
ARMANDE (en off)
Et moi, je te tuerai.
JEAN-BAPTISTE
Et dans une prison, ma mie, vous vieillirez ?
ARMANDE
Oh ! Les singes paillards ! Devant des spectateurs !
Là , sur mon canapé ! Et sous les projecteurs !
Cachons, car on ne peut montrer pareille scène
Qui a tout du porno, du scabreux, de l’obscène.
JEAN-BAPTISTE
Mettons, si vous voulez, ce paravent chinois
Et, pour couvrir leurs cris, montons un peu nos voix.
(Ils se déplacent à quatre pattes vers le paravent et l’installent devant le canapé. Désormais, ce que disent Germaine et Charles est en off. Armande et Jean-Baptiste occupent le devant de la scène)
ARMANDE
Je n’ai pas à forcer : les cris me sont faciles.
Je veux hurler ma rage envers ce bouc sénile.
JEAN-BAPTISTE
L’animal ! L’âge n’a pas atteint ses tissus érectiles.
ARMANDE
Je n’admettrai jamais le stupre à domicile.
JEAN-BAPTISTE
Vous êtes, en vérité, doublement cocufiée :
Un, dans votre mariage. Deux, dans votre amitié.
ARMANDE
Aussi ma rage est double.
JEAN-BAPTISTE
Ecoutez-les un peu :
Sont-ce soupirs d’amour ou meuglements de bœufs ?
GERMAINE
Qu’il est bon de savoir mon époux votre ami !
Ô le sot ! Le benêt !
CHARLES
Le cocu et demi.
JEAN-BAPTISTE
Si je raisonne un peu, je le connais aussi.
Qui, dans mes relations a de la corne ainsi ?
J’en connais deux ou trois…Naïfs oui, mais sans dame.
Je me mets de côté. Qui voudrait de ma femme ?
Que je la souffre, moi, c’est très souvent coton,
Mais qu’elle ait un amant ! Le pauvre bouqueton !
Il ne reste que Georges et peut-être Louis.
Les Georges ?… Non. Pas eux. Ils sont à Tahiti.
Ah ! Mon pauvre Louis ! Qui aurait dit cela ?
Ton épouse a toujours un enfant sur les bras !
Excuse-moi, Louis, mais c’est invraisemblable
Car vous formez tous deux un couple formidable.
Pourquoi refusez-vous, tendre amie, de me dire
De quel ami commun ils viennent de médire ?
ARMANDE
Ne voyez-vous donc pas que la rage m’étouffe.
Dire que tous les soirs Monsieur est en pantoufles !
Il regarde avec moi les films à la télé
En trempant son biscuit dans sa tasse de thé.
Il lit assidûment « La Croix », « Le Pèlerin ».
Et c’est un vil satyre. Je ne doutais de rien.
Le salaud, de surcroît, cet obsédé phallique,
C’est avec une amie, l’enfoiré, qu’il fornique.
Donnez-moi un couteau, une alêne, un gourdin
Pour mettre un point final à ce brame de daim !
JEAN-BAPTISTE
Vous êtes, mon amour, d’une humeur assassine.
ARMANDE
On le serait à moins. Et si la bécassine
Avait jusqu’à ce jour de la roupie aux yeux,
Maintenant qu’elle voit…
JEAN-BAPTISTE
Que voit-elle, pardieu ?
ARMANDE
Elle voit son époux avec… une autre femme.
JEAN-BAPTISTE
Il n’y a pas de quoi, ma mie, en faire un drame.
ARMANDE
Je n’en ai pas le cœur mais vous me faites rire.
C’est dur d’être trompée mais le savoir c’est pire.
Par contre, quand le fait ne vous est pas connu,
On peut rester serein tout en étant cocu.
Vous êtes, mon ami, un exemple parfait
Qui démontre, ô combien, le constat que je fais.
JEAN-BAPTISTE
Je ne vous comprends pas, mais puisque vous le dites…
Retenez-vous, mon cœur, et attendons la suite.
Rien ne sert à présent d’aller les déranger
Puisque le pire est fait qui vous a outragé.
Si vous manifestez en cris votre présence,
Il verra que j’étais chez vous en son absence
Et, se voyant surpris, il aura l’argument
De dire que de vous je suis aussi l’amant.
Vous aurez beau nier, affirmer que c’est faux,
Il aura un atout et c’est plus qu’il n’en faut.
Taisez-vous, il le faut. Maîtrisez la rancœur
Qui est juste, c’est vrai.
ARMANDE
Oh ! J’en ai mal au cœur.
JEAN-BAPTISTE
Dans les situations qui empestent le soufre,
C’est toujours l’amour-propre et non l’amour qui souffre.
Je comprends, douce amie, que vous soyez atteinte,
Mais je suis là pour vous. Ignorez leurs étreintes.
ARMANDE
Faudrait-il d’amnésie que j’aie l’esprit atteint ?
Ou bien de surdité ? Ou que je ne voie rien ?
GERMAINE
Mon cocu de mari, connu pour sa sagesse,
Est une taupe myope et même sa vue baisse.
CHARLES
Il se peut que parfois il feigne de ne voir.
GERMAINE
Pensez-vous ! Il hiberne. En amour, c’est un loir.
Il plonge dans le lit et aussitôt il dort.
Lorsque je le rejoins, on dirait qu’il est mort.
JEAN-BAPTISTE
Je vois que pour dormir, je ne suis pas le seul.
GERMAINE
Le drap de notre lit ressemble à un linceul.
JEAN-BAPTISTE
En voilà une encore qui a des vues morbides
Et qui est, de ma femme, une image limpide.
GERMAINE
Lorsqu’il m’a épousée, il a fait illusion
Et pendant quelque temps il fut comme un tison.
Mais, hélas, le tison s’est vite refroidi
Et pour les relations intimes c’est…
JEAN-BAPTISTE
Pardi !
Pareillement, c’est sûr, parlerait mon épouse.
Comme elle, je parie, cette femme est jalouse.
La mienne fut un temps d’un abord acceptable
Et, parallèlement, son poids demeura stable.
Puis elle accumula les hautes calories,
Fit masse quelque part. Adieu les batteries.
Elle mit tous les biens de l’amour sous séquestre
Et ne vit Cupidon que comme extraterrestre.
Elles sont ainsi faites : jamais le moindre effort
Dans le lit conjugal. Sur l’époux tous les torts.
Que de fois pour l’exil ai-je fait ma valise
Pour échapper à l’hydre ! Ah ! Grand Dieu ! Quelles crises !
Quand cette gourgandine évoque le tison,
Elle omet de parler de clef et de prison.
Mon épouse, elle aussi, à ce côté pervers.
Elle accuse toujours… et tout va de travers.
Toute à ses deux plaisirs : La bouffe et puis la bouffe,
Elle éteint sous son poids le tison et l’étouffe.
Ajoutez à cela sa langue de vipère
Qui n’a aucun repos, qui toujours vitupère.
Qu’elle ait dans son viseur une telle ou untel,
C’est son comportement tout à fait naturel
ARMANDE
Pensez-vous que je puisse encor tenir longtemps
A ouïr les ébats de ces orangs-outangs ?
JEAN-BAPTISTE
Il le faut, mon amour. Pensez que je vous aime.
Oubliez avec moi ces deux énergumènes
Et vivons notre amour…
ARMANDE
Ne dites plus ce mot
Qu’on entend trop souvent et qu’on galvaude trop !
Les vrais serments d’amour ne se font qu’une fois
Et les multiplier leur ôte bien du poids.
JEAN-BAPTISTE
L’étreinte est, elle aussi, un serrement d’amour
Qu’on peut renouveler plusieurs fois en un jour.
ARMANDE
Je n’ai point sur l’instant l’humeur au badinage
Car je dois, devant vous, supporter cet outrage.
(On entend des soupirs, des vagissements, des grognements Des Ah ! que Jean-Baptiste se met à compter sur ses doigts)
JEAN-BAPTISTE
(il pouffe de rire)
C’est ce que je pensais : elle n’est point du lieu.
Je les ai dénombrés. Il en faut encore deux.
Deux mains, ça fait dix doigts ! J’ai un trou de deux Ah !
Ah !Ah !Ah !Ah !Ah !Ah !Ah !Ah !Ah !Ah ! C’est ça.
Si elle était d’ici, elle prendrait son pied
A l’instant de l’extase en vers de douze pieds.
(à ce moment-là on entend le onzième et le douzième Ah !)
Sûr qu’elle a réfléchi. Elle est comme ma femme
Pour qui l’alexandrin est constamment un drame.
Elle sue sang et eau dès qu’il faut s’exprimer
Et met toujours du temps à tomber sur ses pieds.
Ce n’est pas généreux ce que je vais vous dire :
Les cocus sont des gens qui toujours me font rire.
Quand je ris d’un cocu, c’est comme pour les grosses :
Je ris comme un enfant. Ce n’est jamais féroce.
Je parle des cocus, ma mie, au masculin
Car la femme trompée, elle, me fait chagrin.
Je goûte par avant du plaisir que j’aurai
Quand, du cocu présent, vous m’aurez informé.
Si ce n’est point Louis qui cela peut-il être ?
Qu’il me tarde, ô ma mie, de voir enfin paraître,
Celle de vos amies qui a pris pour amant
Charles votre mari, derrière le paravent !
Ah ! Mon dieu ! Le cocu ! Quel rôle intéressant !
Le naïf, le ravi, l’angelot innocent !
Le cocu est, pour moi, un être hors de prix
Qui n’inspire jamais ni haine ni mépris.
Non. On sourit seulement en disant : il est brave.
Il est cocu, d’accord, mais il y a bien plus grave.
Il pourrait notamment d’un virus être atteint,
Trahi par un ami, ou passé sous un train.
Il voit en son épouse une très sainte femme
Quand tous ceux de l’entour savent où va sa flamme.
Il ne prête attention aux allusions perverses
Ou bien rit de concert sans qu’un soupçon ne perce.
Il lui arrive aussi de prêter son concours
Pour donner des infos sur le cocu du jour.
Il suit tous les potins dont se gorgent les dames
Et sur tous les ragots donne son coup de lame.
Il ajoute son dard à tous les entretiens.
J’en connais quelques-uns et, leur voulant du bien,
Je suis parfois tenté par la lettre anonyme
Qui les informerait. Mais ce serait la mine
Qui ferait exploser avec elle notre oeuf
Où les bons sentiments luisent comme sous neufs.
Lors, je tais les détails que j’ai sur les fredaines
De leur prude moitié aux tendances païennes.
Car, lorsque l’amitié entre hommes se dénoue
On ne peut jamais plus relier les deux bouts.
Le cocu qu’on connaît est un vivant trésor
Et l’on glane à l’envie des perles sur son sort.
Ne point savoir qui est le cocu de madame
Me prive d’un plaisir… Entendez-moi ce brame !
Avec son étalon, elle part pour Cythère
Tandis qu’avec l’époux, c’est de l’embarcadère
Qu’elle doit voir partir le bateau sur la mer
Lui laissant l’amertume et des regrets amers.
Pourtant Charles n’est pas le colosse de Rhodes.
Des canons d’Apollon il est aux antipodes.
Je le connais fort bien car il est mon ami.
Jamais pour séducteur la rumeur ne l’a pris.
Jusqu’à l’instant présent, j’aurais pu affirmer
Que, des monts de vertus, il était au sommet.
Un homme peut très bien lui confier sa femme ;
Il n’y touchera pas, jamais, je le proclame.
J’aurais pu témoigner de cela sur la Bible.
Et même en le voyant, je dis : c’est impossible.
Moi-même quelquefois je lui confie Germaine
En tout bien tout honneur. Jamais un seul problème.
Il est vrai que Germaine…Ah ! Je la vois d’ici
Si Charles, imprudemment, fouinait au cagibi!
D’un revers de la main, Vlan ! Charles aux pâquerettes !
Germaine, c’est un cas ! Charles n’est pas si bête.
Il est intelligent bien que d’aspect banal
Et ne risquerait point un revers magistral.
Il ne parle jamais de femmes ni de sexe
Même si en parler correspond au contexte.
Il n’a jamais ouvert un seul poster de Lui
Et trouve dans « Le Monde » son thé et son biscuit.
Il lit « Le Pèlerin » et « La Croix » tous les soirs.
Et si ces journaux-là parlent de Zanzibar,
C’est de l’île non loin de la côte d’Afrique
Et non de la brouette au sens plus érotique.
S’il brille parmi nous, c’est par sa tempérance
Et son manque absolu de toute extravagance.
Quant à notre amitié faite de pur cristal
Elle est entre nous deux un atout capital.
Elle est née bien avant qu’il ait de l’embonpoint
Lorsque, dans ses combats, je lui prêtais mes poings.
ARMANDE
Vous pouvez y aller. Dites du mal de lui.
Plus les mots sont cruels plus je m’en réjouis.
Vous ne pouvez savoir le bien que vous me faites.
JEAN-BAPTISTE
Pour vous faire du bien, j’ai bien d’autres recettes.
ARMANDE
Je me contenterai simplement de l’oral.
JEAN-BAPTISTE
Vous avez tort, ma mie. Quand c’est pour le moral,
Rien n’est équivalent à la douce caresse.
Elle chasse du cœur les humeurs qui l’oppressent.
En vous laissant aimer, la chaleur d’un amant
Fait taire la furie…
ARMANDE
l’espace d’un moment.
JEAN-BAPTISTE
Mais un moment, mon cœur, dont on ressort ravi,
Un moment de bonheur absolu dans la vie.
La vie ! Oh oui, la vie ! Je vous offre la mienne
J’en fais là le serment. Armande je vous aime.
ARMANDE
Tenez-vous compte un peu de ce que je vous dis ?
Je doute des serments, surtout ceux d’aujourd’hui.
JEAN-BAPTISTE
Mais à un tel serment mon cœur ne peut surseoir.
Il devait être fait et je le fais ce soir.
Quoi que vous en pensiez, le moment est propice.
Je suis votre sauveur. Vous étiez au supplice.
(On entend Charles ce qui détourne un peu l’intérêt)
Ah ! Je n’en reviens pas ! Une ardeur de lapin.
Il cache bien son jeu l’arsouille, le coquin.
Je l’ai connu fluet sur les bancs de l’école
Lorsque nous n’avions pas de poils sur les guiboles.
Il était dans son coin, un peu morne et chétif.
Un pantin de chiffon et lui, c’était kif-kif.
J’étais à mille lieues de me douter qu’un jour
Avec une grognasse il ferait des mamours.
Il est fort à douter que pour l’initiative,
La pétasse a guidé le bateau en dérive.
Ce doit être une bonne, que dis-je, une ardente.
La connaître à mon tour, en cet instant me tente.
ARMANDE
Et vous comptez sur moi afin que je vous dise
Le nom de cette… amie ? Pour votre convoitise !
JEAN-BAPTISTE
Oh que non ! Je m’informe car je voudrais savoir
Pour qu’avec d’autres yeux je puisse au jour la voir.
Ce qui m’étonne un peu c’est que, vous connaissant,
Vous ayez pour amie la fleur du macadam.
Car elle est votre amie, je la connais sans doute
Mais dans ma tête, en vain, je les repasse toutes.
J’essaie dans ses soupirs de trouver un accent
Qui pourrait me laisser un nom, mais vainement.
En tout cas son mari a le sort qu’il mérite
Les cornes de son front déclarent sa faillite.
Je le vois clairement imbu de sa personne,
C’est un très grand penseur qui médite et raisonne.
Il donne des conseils sur tout et ses amis,
Pour sortir des tracas, se réfèrent à lui.
Je le vois clairement : Il doit passer pour sage,
Respectueux, affable et féru des usages.
Mais pour la part d’Eros, du sexe, du déduit,
Il doit laisser souvent son arme dans l’étui.
Il souffre du syndrome aigu des intellos
Qui vide le caleçon pour remplir le cerveau.
Ce doit être encore un de ces cocus superbes
Qui n’ont pour les cocus que rire et mots acerbes.
( Le téléphone sonne. Armande fait un geste pour aller décrocher)
Malheureuse ! Vous alliez tomber dans le panneau !
CHARLES
Encore un importun.
GERMAINE
Oh ! Tu me laisses ?
CHARLES
Allô !
Comment ?…Non, elle n’est pas là…A Paris…en train.
Pas possible ! …En grève ?… Non, seule…Si… Ce matin.
D’accord… Dès son retour… Je n’y manquerais pas.
Au revoir, cher ami.
Habille-toi, Mémaine !
JEAN-BAPTISTE
Vous avez entendu ? Il lui a dit Mémaine.
C’est ainsi quelquefois que j’appelle Germaine.
CHARLES
Elle n’est pas partie. Une grève soudaine.
GERMAINE
Et voila ! C’était sûr. Le soupçon me nouait
Et pendant nos ébats la peur me secouait.
JEAN-BAPTISTE
Elle n’a pas fait tilt pourtant la gourgandine
Et ses vagissements n’étaient pas en sourdine.
GERMAINE
Déjà, en arrivant, je pressentais un piège
Et m’étais inquiétée. Je sentais son manège.
Elle a manigancé ce coup pour nous coincer.
Ça sent le magnéto, la caméra cachée.
C’est une loft story faite pour des voyeurs.
Vite, partons d’ici et aimons nous ailleurs.
CHARLES
Ma belle amie, tout doux ! Pas de crainte excessive !
Ne t’inquiète donc pas. Habille-toi. Active.
GERMAINE
Tu vois que tu as peur.
CHARLES
Point du tout mais je crains
Qu’elle soit bientôt là n’ayant pas pris le train.
GERMAINE
Viens. Si tu m’agrafais un peu le soutien-gorge !
Remonte ta braguette on voit ton sucre d’orge.
Ramassons ces coussins. Oh ! J’en sue sous les bras !
Et zut ! J’ai encore filé une maille à mes bas.
JEAN-BAPTISTE
Germaine tout craché. Les bas, c’est par douzaines.
Elle a, avec ses bas, des relations malsaines.
Comme chez les morpions, ses doigts ont des crochets
Et dès qu’elle en prend un il est effiloché.
GERMAINE
Et mon sac ? Où est-il ? Il faut que je me peigne.
(elle est devant le miroir)
Le palais des horreurs me prendrait pour enseigne.
Te rends-tu compte un peu de ce que tu m’as fait ?
Comme un épouvantail, je suis ébouriffée.
Imagine, mon chou, qu’à l’instant elle arrive !
Serait-elle envers nous d’humeur coopérative ?
CHARLES
Tu l’as conduite au train et là tu viens l’attendre.
Je crois sincèrement qu’elle peut le comprendre.
ARMANDE
Compte un peu là-dessus. Je suis sans doute bonne
Mais l’être à ce point-là ce serait être conne.
Dans la situation où je suis je ne peux
Ni t’arracher les dents ni te crever les yeux,
Mais attends le moment où nous serons ensemble,
Et tu verras qu’Armande à un fauve ressemble.
JEAN-BAPTISTE
Il n’est pas mal ton Charles. Il a quelque talent.
Moi qui voyais en lui un calme, un indolent !…
GERMAINE
Ta femme, tu le sais, devait rentrer demain
Et l’attendre chez toi, ce soir, n’est pas malin.
Même moi, son amie, la meilleure peut-être,
Ne peux moralement, Charles, me le permettre.
ARMANDE
Dans un petit instant, elle va m’encenser
Et dire à mon époux qu’il était insensé
D’avoir eu du plaisir dans la chose adultère.
Elle a cette façon de revenir sur terre.
Dès qu’elle a dit du mal de l’un ou bien de l’autre,
Elle joue sur-le-champ la gente et bonne apôtre
Comme si elle n’était nullement responsable
De ses mots assassins, perfides, inexcusables.
JEAN-BAPTISTE
Mon épouse, elle aussi, a, dans les commérages
Cette attitude-là. Elle est anthropophage.
Elle passe son temps à dévorer ses proies
Ou les mettre au martyre sur l’arbre de la croix.
Puis, elle se remet en pattes de velours
Et fait à ses victimes et câlins et mamours.
ARMANDE
Taisez-vous, mon ami, je crois qu’elle s’en va
Et Charles ?
JEAN-BAPTISTE
Lui aussi. Il l’accompagne en bas.

ACTE 3

Scène 1
(Germaine, Jean-Baptiste)

Nous sommes à nouveau chez Jean-Baptiste et Germaine
JEAN-BAPTISTE
Assieds-toi, s’il te plait, je vais t’en apprendre une.
Mais avant promets-moi : motus, pas de tribune.
C’est, d’un très cher ami, l’honnête réputation
Qui pourrait sans cela être mise en question.
Je sais, tu as sur tout la langue trop facile
Et taire les secrets n’est pas du tout ton style
Mais dans le cas présent le scoop est bien trop grand
Et je ne peux pour moi le garder plus longtemps.
GERMAINE
Faut-il que ce soit fort pour faire un tel mystère !
JEAN-BAPTISTE
Promets-moi, s’il te plait, le sachant, de te taire.
Sinon je ne dis rien.
GERMAINE
Tu viens de m’amorcer…
Et vivre sans savoir…

JEAN-BAPTISTE
Alors ?
GERMAINE
Je te promets.
Et même, bien plus fort, vois-tu, je te le jure
Sur ce recueil sacré des Saintes Ecritures
(Il s’agit en fait de l’annuaire téléphonique)
JEAN-BAPTISTE
Tu connais comme moi, notre ami, ce bon Charles.
GERMAINE
Comme ci comme ça.
JEAN-BAPTISTE
De sa vie nul ne parle.
Il est lisse et parfait comme un conciliateur
Et ne se met jamais au feu des projecteurs.
Il n’est jamais d’humeur ni mauvaise ni bonne
Et sa rigueur en fait une honnête personne.
Tu es de mon avis !?
GERMAINE
Je le connais si peu.
JEAN-BAPTISTE
C’est vrai que son liant est plutôt besogneux.
Surtout lorsqu’il s’agit de s’adresser aux femmes…
Tu le connais assez.
GERMAINE
Il m’appelle Madame.
JEAN-BAPTISTE
Et pourtant, entre vous, il y a l’intimité
Que l’on a entre amis.
GERMAINE
Je dois l’intimider.
JEAN-BAPTISTE
Exactement cela : c’est un très grand timide,
Un regard féminin lui rend les yeux humides.
GERMAINE
Pourquoi ris-tu de lui ? Il est très réservé.
C’est une des vertus que peu ont conservée.
JEAN-BAPTISTE
Il reste dans son coin un peu comme un hibou
Qui hulule très peu et qui pourtant sait tout.
GERMAINE
C’est dur ce que tu dis de ton meilleur ami.
JEAN-BAPTISTE
Tu sais, je l’aime bien. Tu te tairas ?
GERMAINE
Promis.
JEAN-BAPTISTE
Charles, notre ami Charles, a pris une maîtresse !
GERMAINE
Oh, Mon Dieu !
JEAN-BAPTISTE
Vas-tu mal ?
GERMAINE
Non. Un peu de faiblesse.
On t’a dit qui c’était ?
JEAN-BAPTISTE
Pire. Je les ai vus.
GERMAINE
Oh, Mon Dieu ! C’était qui ?
JEAN-BAPTISTE
C’est quelqu’un de connu.
C’est une amie d’Armande.
GERMAINE
Oh, Mon Dieu ! Je défaille.
JEAN-BAPTISTE
Tu vois, je te l’ai dit : la nouvelle est de taille.
C’est sans doute quelqu’un que tous deux connaissons.
A mon très humble avis, un super canasson.
Mais je n’ai pu savoir qui est la gente dame
Avec qui l’ami Charles monte et descend la gamme.
GERMAINE
Tu dis les avoir vus.
JEAN-BAPTISTE
Oui, j’ai vu leurs ébats.
J’ai vu Charles de dos, des jambes et des bras,
Mais je n’ai pu savoir qui était la bergère
N’ayant eu de son corps qu’un aspect parcellaire.
GERMAINE
Comment sais-tu alors qu’elle est l’amie d’Armande ?
JEAN-BAPTISTE
Parce qu’ils en ont parlé pendant la sarabande.
GERMAINE
Et comment se fait-il que tu étais chez eux ?
JEAN-BAPTISTE
Je ne t’ai point donné d’indication du lieu.
GERMAINE
Mais c’était bien chez eux ! En l’absence d’Armande !
JEAN-BAPTISTE
Es-tu extralucide ? Parfois je me demande
Si de l’ubiquité tu n’as pas quelque don.
Ce que tu imagines en tous points correspond.
GERMAINE
En faisant un effort dans ma concentration,
Je dois pouvoir fournir d’autres informations.
JEAN-BAPTISTE
Vas-y. Essaye donc et moi je te dirai
Si tu es dans le faux ou alors dans le vrai.
Pourrais-tu, par exemple, indiquer quel endroit…
GERMAINE
C’est sur le canapé. Ils étaient à l’étroit.
JEAN-BAPTISTE
Bravo.
GERMAINE
N’applaudis pas. L’endroit, c’est trop facile.
Dès l’instant où l’on sait que c’est au domicile…
JEAN-BAPTISTE
Ç’aurait pu être en chambre ou bien sur le tapis.
GERMAINE
Sur un parquet trop dur ! Et puis refaire un lit !
C’est sur le canapé. Très très juste pour deux
Surtout quand les ébats sont ardents et fougueux.
JEAN-BAPTISTE
Pourrais-tu m’indiquer où Armande est partie ?
GERMAINE
Elle devrait, ce soir, être encore à Paris.
Seulement, je la vois dans le hall de la gare
Attendre vainement qu’un train express démarre.
Elle n’a pas prévu cette grève surprise.
JEAN-BAPTISTE
Peut-être bien alors qu’un taxi l’aura prise.
GERMAINE
Pour aller à Paris ?
JEAN-BAPTISTE
Non. Tu vois la surprise ?
Charles au cœur de l’action. Puis Armande. Oh, la crise !
Elle rentre chez elle. Charles qui la croit loin
Lutine en son salon son charmant mannequin.
GERMAINE
(se regarde dans le miroir)
La parole est aimable et doux le compliment.
Un mannequin ! Charmant ! Que c’est doux !
JEAN-BAPTISTE
Hein ? Comment ?
GERMAINE
Non. Rien. J’exprimais seulement une douce pensée
Qui n’avait rien à voir avec ce qu’on disait.
JEAN-BAPTISTE
Continue, je t’en prie, tu as l’air inspirée.
Le canapé, d’accord. Armande ?…Non, elle sait.
C’est elle le matin qui l’a conduite au train.
GERMAINE
Mais la grève !
JEAN-BAPTISTE
Elle sait ?
GERMAINE
Non, elle n’en sait rien.
Ce que confirment, alors, sa fougue et son entrain.
Ceci jusqu’au moment où quelque chose sonne.
JEAN-BAPTISTE
Peut-être le réveil ?
GERMAINE
Oh ! Non ! Le téléphone.
JEAN-BAPTISTE
Exact. Charles, alors, que fait-il ?
GERMAINE
Il se lève d’un bond,
Court vers la sonnerie, décroche et puis répond.
Seulement là, vois-tu, il aurait dû te voir.
JEAN-BAPTISTE
Il était perturbé et j’étais dans le noir.
Je regrette beaucoup de n’avoir regardé
A cet instant précis la grue du canapé.
Lors les deux excités comme fourmis s’agitent
Et je m’esquive en douce.
GERMAINE
Tu es un hypocrite.
Je vois bien que tu sais et que tu me tortures.
J’ai déjà le cerveau qui frôle la rupture.
Tu as vu cette femme et ne veux me le dire.
Dis, tu l’as reconnue. Je connais ton sourire
Et ton regard chargé de cette fourberie
Qu’ont les grands criminels juste avant la tuerie.
Tu la connais très bien mais tu le prends sur toi
Pour mieux m’assassiner.
JEAN-BAPTISTE
Comme si c’était toi !
Tu n’as pas le profil de la femme adultère,
Mais alors pas du tout. Tu n’as pas les critères.
Je note constamment chez toi la démesure
Que ce soit dans le verbe ou dans la nourriture.
Non, je ne l’ai point vue. Mais, Germaine, elle est bonne
Et pour le corps à corps n’a pas besoin d’hormones.
Bien des femmes, je crois, (j’en connais au moins une)
Ont, par comparaison, de béantes lacunes.
Il fallait voir l’ardeur que mettait la bougresse.
C’est sûr qu’à ce régime elle n’a point de graisse.
GERMAINE
Ne prononce jamais « graisse » quand je suis là.
Mais au fait… Tu n’aurais point dû te trouver là.
Explique-moi un peu comment tu es entré.
JEAN-BAPTISTE
Par la porte entrouverte.
GERMAINE
Il n’avait pas fermé ?
Mon Dieu quel imprudent ! La peur rétrospective
Me donne des sueurs et pompe ma salive.
N’importe quel intrus aurait pu les surprendre.
JEAN-BAPTISTE
Par bonheur, c’était moi.
GERMAINE
Il va un peu m’entendre.
JEAN-BAPTISTE
Imagine un instant que ce fût le mari !
J’assistais à l’assaut, que dis-je, au safari.
Imagine encore mieux que la belle fût toi
Et que moi, ton époux, visionne vos ébats.
GERMAINE
Que la belle fût moi ?
JEAN-BAPTISTE
Une vue de l’esprit.
Ne va pas voir plus loin. C’est rien. Une utopie.
GERMAINE
On donne un tour de clé quand on fait la fiesta !
JEAN-BAPTISTE
A t’entendre on dirait que son cas est ton cas.
GERMAINE
Tu n’as toujours pas dit ce que tu allais faire.
JEAN-BAPTISTE
J’y vais de temps en temps comme on va chez un frère.
Je me demande un peu, bien que ça me rebute,
Si la femme,vois-tu, n’était pas une pute.
GERMAINE
Oh ! Quelle ignominie! C’est odieux et c’est bas !
JEAN-BAPTISTE
On voit que tu n’as pas assisté aux ébats.
Pourtant, j’ai beau chercher parmi nos relations,
De catins avérées qui en font profession…
Comme toi…
GERMAINE
Oh ! Ça alors ! Tu injuries ta femme !
JEAN-BAPTISTE
Laisse-moi donc finir ! Aussitôt tu t’enflammes !
Comme toi, nos amies de la gent féminine
Ne sont pas des croqueuses…non plus des gourgandines.
Elles sont, comme toi, des dragons de vertu
Qui poussent de hauts cris lorsqu’on parle de …grues.
Pourtant, je suis témoin. J’ai vu et j’ai ouï.
Elle avait, l’abatteuse, un métier inouï.
Toi qui, bien mieux que moi, connais notre entourage,
Tu dois bien soupçonner qui, au libertinage,
Se livre quelquefois avec fougue et ardeur.
Elle affiche le froid tout au moins la tiédeur
Mais c’est un vrai volcan, une voluptueuse.
GERMAINE
Mes amies, comme moi, sont sages et vertueuses.
JEAN-BAPTISTE
Pourtant, je ne vois pas Armande nous cacher
Une amie avec qui elle doit s’afficher.
A moins que sa pudeur la condamne au silence.
Une amie des bas-fonds ! Ah, quelle référence !
Bref, nous apprendrons bien un de ces quatre jours
Quelle est cette morue qu’il dessale au séjour.
GERMAINE
Peut-être est-ce une femme en qui notre ami trouve
L’affection qu’il n’a pas chez lui et rien ne prouve
Qu’elle ait pour profession d’arpenter le trottoir !
Peut-être a-t-elle, en lui, trouvé un peu d’espoir !
Peut-être est-ce une femme honnête et sans histoire
Qui s’ennuie au logis et broie des idées noires !
Moi-même, je l’avoue, je me sens transparente
Lorsque, avec tes amis…
JEAN-BAPTISTE
Ah ! Bon ! Toi transparente !
GERMAINE
Lorsque, avec tes amis, vous parlez de vos sports,
De votre politique…
JEAN-BAPTISTE
Transparente ?
GERMAINE
Et alors !
Je suis là, devant vous, présente et invisible…
JEAN-BAPTISTE
Germaine, je t’en prie, essaie d’être crédible.
GERMAINE
Après tout, cette femme est un peu comme moi.
JEAN-BAPTISTE
Ah ! Non ! C’est à cent lieues ! A l’opposé de toi !
Bien que j’aie remarqué d’infimes ressemblances,
Elle avait plus que toi d’ardentes compétences.
GERMAINE
Pour les mettre en valeur il faut un partenaire
Qui soit à la hauteur et pas un ours polaire.
JEAN-BAPTISTE
Mais Charles, tu le sais, est un ours.
GERMAINE
Pas polaire.
JEAN-BAPTISTE
Son champ de libido ne s’entend qu’en jachère.
Ce n’est peut-être pas un ours du Pôle Nord,
Mais lorsqu’on le côtoie Cupidon fait le mort.
GERMAINE
C’est un homme parfait, attirant et courtois
Qui peut parfaitement provoquer des émois.
Contrairement à toi et à tes chers amis,
Il parle peu, c’est vrai, mais jamais à demi.
Il n’a pas, envers nous, ces propos allusifs
Qui n’amusent que vous et qui sont abusifs.
C’est le seul, oui le seul.
JEAN-BAPTISTE
C’est donc un phénomène.
GERMAINE
Non. C’est un gentleman.
JEAN-BAPTISTE
Ma parole, tu l’aimes !
GERMAINE
Ah, non ! Je t’en supplie, arrête tes bêtises !
Tu me vois avec lui ?
JEAN-BAPTISTE
Non, mais tu l’adonises.
Charles semble à tes yeux être plus que parfait.
Or, ce que voit l’amour est très souvent surfait.
Si tu le vois en homme, même un regard d’ami
Réduit ses qualités d’un coup plus qu’à demi.
Quant aux choses d’amour… Même avec des efforts…
On ne réveille pas la marmotte qui dort.
Tu l’imagines un peu, en petite tenue…
GERMAINE
Je n’imagine rien, mais c’est toi qui l’as vu.
JEAN-BAPTISTE
Et je n’en reviens pas. Charles m’a sidéré.
Le penseur de Rodin faisant dans le concret.
A partir d’aujourd’hui, je vais mener enquête
Pour savoir qui était sa lascive conquête.
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LES BOURGEOIS DECALES (suite 3)
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